Il est fréquent que dans le cadre d’actions en recouvrement, le débiteur d’un établissement bancaire affirme que ce dernier aurait manqué à son devoir de mise en garde, afin d’obtenir sa condamnation à lui verser des dommages et intérêts qu’il évalue le plus souvent au montant de sa dette.
Plus rarement, il arrive parfois que des emprunteurs prenne l’initiative d’assigner leur banquier, afin d’engager sa responsabilité sur ce même fondement.
Face à ces demandes, souvent injustifiées, les établissements bancaires disposent d’un argument de taille : celui de la prescription.
L’article 2224 du Code civil dispose en effet que :
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Sur la base de cet article, la jurisprudence considère de manière constante que le dommage résultant du manquement à l’obligation de mise en garde de la banque consistant en une perte de chance de ne pas contracter, se manifeste dès l’octroi des crédits.
C’est ainsi que dans un arrêt du 16 mars 2010, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que :
« Mais attendu que la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ; que le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter, ce dommage se manifeste dès la conclusion du contrat de prêt ».
La date de conclusion du prêt constitue donc le point de départ du délai de prescription.
Il en résulte que dès lors l’emprunteur n’est plus fondé à se prévaloir d’un quelconque manquement du banquier à son devoir de mise en garde dès lors que le financement litigieux date de plus de cinq ans…
Cette solution de principe vient d’être rappelé encore récemment par le Tribunal de grande instance de Poitiers.
Dans un jugement du 15 janvier 2019, ce dernier a en effet considéré que :
« L’article 2224 du Code civil issu de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, applicable au présent litige, dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime.
Or, le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l’octroi des crédits.
L’inexécution de l’obligation de mise en garde est alléguée par l’emprunteur à l’encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel de la Touraine et du Poitou qui a consenti un prêt immobilier le 3 mai 2006. Ainsi, si inexécution il y a, elle s’est manifestée à la date de conclusion des contrats, soit le 3 mai 2006.
Par conséquent, la demande présentée tardivement est prescrite et sera déclarée irrecevable ».
La prescription constitue donc un des moyens principaux de défense des établissements bancaires en cas de demandes de dommages et intérêts fondée sur un prétendu manquement du banquier à son devoir de mise en garde.
Il revient donc à l’avocat de la banque de s’en saisir afin de faire juger ces demandes irrecevables.
R. CUISINIER