L’article 1382 du code général des impôts permet l’exonération permanente de taxe foncière sur les propriétés bâties appartenant aux collectivités sous réserve que ces dernières soient affectées à un service public ou d’utilité générale et ne soient pas productives de revenus.
La doctrine fiscale applicable en la matière a été fixée il y a de nombreuses années, et a été éclairée par une série d’arrêt dont le dernier en date, du 27 mars 2019, par le Conseil d’État sous le numéro 422 428 est particulièrement éclairant.
Il s’agissait de l’hypothèse d’un bail emphytéotique administratif conclu avec un centre hospitalier par une société, preneuse de ce bail emphytéotique.
Cette dernière revendiquait l’exonération de taxe foncière sur la propriété ainsi bâtie, et a été contrainte de saisir toutes les juridictions administratives y compris le Conseil d’État pour obtenir gain de cause.
Le Conseil d’État a en effet estimé que la société était fondée à demander la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2016 2017 dans les rôles de la commune de Carcassonne.
L’intérêt majeur de cet arrêt est lié à l’application de l’article L 80 A du livre de procédure fiscale, dans sa rédaction applicable aux années d’imposition en cause.
Cet article dispose : « lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapporté à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. »
Or, au cas particulier, l’administration fiscale avait établi dans un bulletin officiel des finances publiques une doctrine selon laquelle il était précisé que la perception d’une redevance par la personne publique en contrepartie de l’occupation de son domaine public ne faisait pas obstacle à l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties prévues par le 1° de l’article 1382 du code général des impôts.
Ainsi, la deuxième condition fixée par l’article 1382 1°était en quelque sorte neutralisée.
L’on aurait tort cependant, du côté des collectivités, de crier trop tôt victoire en considération de cet arrêt du 27 mars 2019.
Car le principe est en réalité fixé par une ancienne jurisprudence citée dans les bulletins officiels (BOI-FP-TFB-10-50-10-50) et il s’agit notamment d’un arrêt du Conseil d’État du 16 novembre 1988 numéro 47 685 commune d’Arcachon.
Dans cette instance, rappelant le texte de l’article 1382 1° du code général des impôts, le Conseil d’État approuve le directeur des services fiscaux de la Gironde de refuser le bénéfice de l’exonération.
Il estime en effet que le versement d’une redevance pour contrepartie de l’occupation domaniale, même minime, donne un caractère productif à l’immeuble en question et interdit l’application de l’exonération permanente.
Ce courant jurisprudentiel a été confirmé, dans un cas un peu plus particulier, par l’arrêt du Conseil d’État du 8 décembre 2017 rendu sous le numéro 405 545 en ce qui concerne la qualification d’un syndicat professionnel.
Le Conseil d’État, prenant égard cette fois à la première condition d’exonération permanente, à savoir l’affectation à l’utilité publique ou à un service d’intérêt général, estime que l’occupation par un ou plusieurs syndicats professionnels d’un immeuble appartenant à une collectivité ne peut être regardée comme affecté à un service public ou d’utilité générale au sens des dispositions de l’article 1382 du code général des impôts.
Les collectivités publiques, en charge de l’occupation domaniale à des fins d’exploitation économique notamment, auront donc égard à la qualité du titre qui permet d’occupation, en application de l’article L2122 – 1 du code général de la propriété des personnes publiques, à la redevance et à la durée d’occupation, mais également aux modalités selon lesquelles, dans des hypothèses particulièrement restreintes, l’exonération de taxe foncière pourra être envisagée.
L’analyse fine de la doctrine fiscale, et l’examen de la situation particulière du titre d’occupation, seront plus que jamais nécessaires.
Thomas DROUINEAU
Ancien Bâtonnier
Avocat spécialiste en droit public