Dans une décision du 27 avril 2021 rendue sous numéro 437 148, le Conseil d’Etat est venu apporter d’utiles précisions aux modalités d’application de l’article 49 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, dans sa version de 1976. Nonobstant la récente rénovation du cahier des clauses administratives générales, nul doute que cette décision constitue un apport jurisprudentiel applicable pour le futur. En ce qui concerne plus particulièrement les travaux de reprise, le Conseil d’État, commentant l’article 49, rappelle qu’il résulte de ces stipulations, et des règles générales applicables aux contrats administratifs, que le maître d’ouvrage d’un marché de travaux publics peut, après avoir vainement mis en demeure son cocontractant de poursuivre l’exécution des prestations qu’il s’est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, décider de confier l’achèvement des travaux à un autre entrepreneur aux frais et risques de son cocontractant.
Chacun connaît bien cette règle, très préjudiciable bien évidemment aux entreprises résiliées, mais parfaitement cohérente au regard des caractéristiques du contrat administratif qui consistent donc pour le cocontractant public à sanctionner le cocontractant entrepreneur défaillant en lui faisant supporter l’achèvement de ses travaux par un tiers. La question résolue par le Conseil d’État consiste à savoir si l’ensemble des travaux est concerné par le droit de suivi de l’entrepreneur résilié ou si les travaux de reprise des malfaçons sur des parties du marché déjà exécutées ne sont pas concernés par ce droit de suivi. Après avoir précisé que cette mesure coercitive ne rompait pas le lien contractuel entre le pouvoir adjudicateur et son cocontractant initial, le Conseil d’État est venu rappeler que le cocontractant défaillant devait être mis à même de suivre l’exécution du marché de substitution afin de lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts.
En effet, les montants découlant des surcoûts supportés par le maître d’ouvrage en raison de l’achèvement des travaux par un nouvel entrepreneur sont à la charge du cocontractant défaillant. S’agissant plus particulièrement des marchés concernant les prestations tendant à la reprise de malfaçons sur des parties du marché déjà exécutées, le conseil d’Etat précise qu’il est loisible au maître d’ouvrage de confier la poursuite de l’exécution du contrat à un autre entrepreneur et d’inclure dans ce marché de substitution des prestations tendant à la reprise de malfaçons sur des parties du marché déjà exécutées. Il s’agit là d’une option, le pouvoir adjudicateur n’étant pas tenu d’inclure ces prestations dans le marché de substitution. Mais s’il le fait, le droit de suivi du titulaire initial du marché s’exerce sur l’ensemble des prestations du marché de substitution sans qu’il y ait lieu de distinguer celle de ses prestations qui auraient pu faire l’objet de contrats conclus sans mise en régie préalable. C’est un droit important ainsi reconnu au cocontractant défaillant. Pour exclure un tel droit, le pouvoir adjudicateur n’aura d’autre choix, après mise en régie préalable, que de distinguer les travaux de reprise des marchés déjà exécutés qui ne font pas l’objet d’un droit de suivi, des marchés de travaux de substitution proprement dits, nécessaires à l’achèvement des travaux, qui font l’objet d’un droit de suivi.
Mais à l’inverse, si le pouvoir adjudicateur, ce qui semble logique et largement préférable en termes techniques et pragmatiques, fait le choix de ne conclure qu’un seul marché avec le nouveau titulaire, portant à la fois sur les reprises des travaux déjà exécutés et sur les travaux nécessaires à l’achèvement, alors le droit de suivi du cocontractant défaillant s’exercera sur la totalité du marché et sur la totalité des prestations concernées. C’est un apport du conseil d’État précieux, de nature à permettre aux pouvoirs adjudicateurs de gérer au mieux les modalités de suivi des marchés de substitution, étant indiqué qu’il n’y a alors, pour le lot concerné non pas un seul mais bien deux titulaires, le marché du cocontractant défaillant n’étant pas résilié par la mise en régie.
Auteur
Thomas DROUINEAU