La commune de LAGUILOLE, depuis de nombreuses années, défend les conditions d’usage de son nom en tant que marque.
Je ne reviens pas en détail sur les différents épisodes judiciaire qui ont encadré ce long combat, mais l’on peut citer l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 4 octobre 2016 rendu sous le numéro 14 22 245 et l’arrêt qui vient d’être rendu par la cour d’appel de Paris le 5 mars 2019 sous le numéro 17/04510.
Dans l’arrêt du 4 octobre 2016, la chambre commerciale de la cour de cassation rappelait qu’une commune pouvait intervenir en matière économique et sociale dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales.
Elle énonçait également que la déchéance pour non-usage d’une marque pouvait être demandée par toute personne intéressée, et que justifiait d’un tel intérêt la commune dont il avait été constaté que le nom avait été déposé à titre de marque pour désigner des produits et services sur presque toutes les classes ce dont il résultait une entrave au libre usage de son nom pour l’exercice de ses activités.
On le sait, et la démonstration n’est plus à faire, les collectivités territoriales, communes et établissements publics de coopération intercommunales sont des opérateurs économiques de premier plan.
La commune de LAGUIOLE dans le bras de fer qu’elle a mené contre les déposant de son nom en qualité de marque, a acquis une étape importante dans sa victoire à la faveur de cet arrêt du 5 mars 2019.
La cour d’appel de Paris rappelle que si la loi française autorise expressément l’adoption à titre de marque d’un nom géographique, c’est à la condition que le déposant n’agisse pas dans le but frauduleux de priver une collectivité territoriale de l’usage de son nom.
Elle ajoute que si le fait de déposer des marques dans plusieurs classes n’est pas en soi illicite et s’explique notamment par la grande diversité de produits exploitée par les licenciés, il n’en est pas de même au cas d’espèce ou la multiplicité de ces dépôts, couvrant 37 classe de la classification de Nice, conduit en fait à priver la commune de LAGUIOLE et ses administrés de l’usage de ce nom.
Ainsi les deux principes posés sont particulièrement plein d’enseignements :
1 – Il est possible d’utiliser en qualité de marque le nom d’une collectivité territoriale sans que cette dernière ne puisse s’y opposer.
On rappellera cet égard les dispositions de l’article L711–4 du code de la propriété intellectuelle selon lesquelles ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment au nom à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale.
Ainsi, tout opérateur économique peut revendiquer comme une marque le nom d’une collectivité territoriale selon les conditions que je viens de rappeler.
2 – Le deuxième enseignement est quant à lui tiré des principes de droit civil, en l’occurence de la fraude ou de l’absence de bonne foi.
Si l’intention du déposant est de priver la collectivité de faire usage de son nom en opérant un dépôt de marque particulièrement large, alors en effet il utilise le nom de la collectivité en portant atteinte aux droits de cette même collectivité.
La collectivité territoriale et c’est le moins que l’on puisse attendre, est en droit d’utiliser son nom.
Si à la faveur du dépôt de marque, le déposant la prive de cette capacité, alors il porte atteinte au droit de la commune et peut-être privé des marques ainsi déposées.
Cette approche d’attractivité territoriale à travers la promotion du nom d’une collectivité est particulièrement d’actualité.
Elle est capitale pour le développement des territoires, et les collectivités auront le plus grand intérêt à ne pas négliger non pas simplement le dépôt d’une marque, mais de manière beaucoup plus générale, un vrai partenariat avec celui qui entend utiliser le nom d’une collectivité.
Il n’appartient pas en effet aux collectivités de s’improviser fabricant de couteaux ou producteur de parfums, mais en en revanche il est de leur intérêt le plus évident de nouer avec ces opérateurs économiques des liens de qualité qui permettent, dans un intérêt bien commun et bien développé, de porter le territoire.
Les consommateurs attendent des territoires sains pour des productions saines, et c’est tout l’intérêt de la personne publique comme des personnes privées que de favoriser une tel développement.
C’est encore une notion de droit civil : le contrat !
Thomas Drouineau
Avocat spécialiste en Droit Public