En ces temps de crise, le juge administratif ne chôme pas.
C’est le signe, mais il est ancien, que le juge administratif est, peut-être davantage même que le juge judiciaire, le garant des libertés.
La consultation du site du conseil d’État montre l’intense activité dont il fait montre à l’aune des demandes dont il est l’objet.
Qu’il s’agisse de la mise à disposition du matériel de protection personnelle de santé, et il s’agit de l’ordonnance du 28 mars 2020 ou encore de la fermeture des marchés et il s’agit de l’ordonnance du 1er avril, le conseil d’État a été extrêmement sollicité.
Depuis le début du mois d’avril, il a été appelé à statuer sur l’hébergement des personnes sans-abri ou en habitat de fortune, les tests de dépistage au CHU de Guadeloupe, les mesures pour les détenus, les mesures pour les personnels pénitentiaires, les mesures pour les personnes en situation de précarité, et enfin le fonctionnement des juridictions judiciaires et administratives.
Dernièrement, c’est-à-dire hier, le conseil d’État a été amené à statuer dans une ordonnance du 15 avril n°439910 sur l’accès aux soins des personnes résidant en EHPAD.
Plusieurs associations ont demandé au conseil d’État d’enjoindre au gouvernement de prendre des mesures générales pour assurer un accès égal aux soins hospitaliers et aux soins palliatifs.
Le conseil d’État dans le communiqué qu’il publie, rappelle tout d’abord avoir observé qu’il n’était pas établi que de manière générale les hôpitaux refusaient l’accès dans leur service aux personnes résidentes en EHPAD.
Le juge des référés a également relevé qu’afin de garantir une fin de vie digne et la plus apaisée possible, des mesures avaient été prises pour admettre les personnes concernées en soins palliatifs.
La requête est rejetée comme d’ailleurs la totalité des requêtes présentées dans cette période extraordinaire par les requérants auprès du conseil d’État.
Toutefois, et c’est un point satisfaisant, on observe que le juge administratif est présent et se montre particulièrement réactif.
Dans son rôle de contrôle de l’activité de gouvernement, il est un point rassurant, montrant que la démocratie, même confrontée aux secousses actuelles, fonctionne.
Nous formons le vœu qu’attentif aux libertés, il soit dans son rôle de contrôle particulièrement vigilant.
Le risque, face à la crise qui perturbe notre pays, est celui d’une tentation de limitation des libertés.
Si la lutte contre l’épidémie est évidemment une priorité, elle ne peut ni ne doit se faire au détriment des libertés publiques essentielles.
Les Français ont consenti à la limitation drastique de leur liberté d’aller et venir.
Il ne faudrait pas que nos dirigeants soient tentés d’aller plus loin dans cette démarche de limitation des libertés en instaurant notamment des procédés de surveillance dignes de Georges Orwell.
Gageons que le conseil d’État saura rappeler les principes essentiels qui fondent notre démocratie si toutefois de telles mesures étaient envisagées sérieusement.
Thomas Drouineau
DROUINEAU 1927
Ancien Bâtonnier
Avocat spécialiste en droit public