Par acte authentique du 8 septembre 2000, une banque a consenti un prêt professionnel à deux emprunteurs, Monsieur et Madame X. Ce prêt a été conclu pour les besoins de l’activité professionnel de seulement l’un d’entre eux.
Se prévalant d’une créance au titre de ces actes, la banque a engagé une procédure aux fins de saisie des rémunérations de Mme X. Cette dernière a soulevé la prescription de la demande en application de l’article L. 137-2 du code de la consommation devenu L. 218-2 du code de la consommation, depuis l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
La Cour d’Appel de Dijon, dans une décision du 8 janvier 2019 déclare la demande de la banque irrecevable comme prescrite en retenant que « les conventions sur lesquelles la banque fondait sa demande en saisie des rémunérations de Mme X. avaient été conclues pour les besoins de l’activité professionnelle de M. X ». Elle considéra donc que l’action de la banque se prescrivait par deux ans en application de l’article L. 137-2, devenu l’article L. 218-2, du code de la consommation.
La Haute Cour, dans cet arrêt du 20 mai 2020, numéro de pourvoi 19-13.641 casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Dijon et rappelle qu’aux termes de l’article susvisé, la prescription de l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans mais que « cette prescription ne s’applique pas aux actions fondées sur un prêt consenti pour les besoins d’une activité professionnelle ».
Elle précise en outre que Madame X. ne pouvait se prévaloir d’être intervenue aux actes de prêt litigieux en qualité de consommatrice alors « qu’est sans effet sur la qualification professionnelle d’un crédit la circonstance qu’un coemprunteur est étranger à l’activité pour les besoins de laquelle il a été consenti ».
Cette solution de la Cour de Cassation vient conforter une position déjà établie. En effet, dans un arrêt rendu en première chambre civile du 30 septembre 2015 n°14-20.277, la Cour avait déjà eu l’occasion de préciser que l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait jouer pour un prêt destiné à financer une activité professionnelle, quand bien même l’emprunteur n’avait pas souscrit le contrat de prêt en sa qualité de professionnel. La Cour de Cassation semblait donc faire fi de la qualité de l’emprunteur et ne retenait, comme critère déterminant, que la qualification professionnelle du crédit.
Ainsi, ces solutions, favorables aux établissements dispensateurs de crédits ne sont pas sans mettre à mal la base même du code de la consommation qui prévoit, en son article liminaire, que l’on entend par consommateur, « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité » professionnelle puisqu’est désormais « sans effet sur la qualification professionnelle d’un crédit la circonstance qu’un coemprunteur est étranger à l’activité pour les besoins de laquelle il a été consenti. »
On se demandera cependant si cette solution n’est pas à double-tranchant en ce qu’il serait intéressant de rechercher la responsabilité des établissements de crédit qui n’auraient pas satisfait leur devoir d’information et de conseil auprès d’emprunteurs ayant souscrits des contrats de prêts pour les besoins d’une activité professionnelle en omettant de les informer qu’ils ne contractaient pas en leur qualité de consommateurs.
Maxime Hardouin
Élève-avocat
DROUINEAU 1927