Cour de cassation, 2ème chambre civile, 24 octobre 2019, n°18-20910
Si les dispositions de la loi Badinter ont permis une facilitation notable du processus d’indemnisation amiable des victimes d’accident de la circulation, les tribunaux restent régulièrement saisis des difficultés tenant à l’appréciation de la notion même d’accident de la circulation.
C’est d’ailleurs à cette occasion que la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a rendu son arrêt en date du 24 octobre 2019.
En l’espèce, les faits étaient les suivants :
Le 20 juin 2014, alors qu’il circulait en voiture sur la commune de Eze (06), Monsieur P. s’était arrêté pour relever le scooter qui se trouvait à terre sur la route, appartenant à Monsieur C.
Lors de la manipulation, Monsieur P. s’était toutefois blessé et avait glissé sur une flaque d’essence, lui causant une rupture de la portion distale du tendon du biceps droit.
Il avait alors saisi son assureur d’une demande d’indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la loi Badinter, qui n’a toutefois pas aboutie.
Monsieur P. a donc par la suite assigné le propriétaire du scooter, Monsieur C., ainsi que son assureur, la société GAN ASSURANCES, à cette fin.
Aux termes de son arrêt du 7 juin 2018, la Cour d’appel d’Aix en Provence a débouté Monsieur P. de ses demandes et l’a condamné à rembourser à l’assureur la provision qu’il avait perçue.
L’argumentation retenue par la Juridiction était alors la suivante : le fait que Monsieur P. ait relevé le scooter était un acte volontaire de sa part, de sorte que ses blessures ne résultaient pas d’un évènement fortuit et imprévisible, qui seul aurait permis de retenir la qualification d’accident de la circulation et donc l’application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985.
L’appréciation de la Cour de cassation est quant à elle toute autre.
Elle estime :
« Qu’est statant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la victime s’était blessée en relevant un véhicule terrestre à moteur et qu’elle avait ainsi été victime d’un accident de la circulation au sens de l’article premier de la loi du 5 juillet 1985, la cour d’appel a violé le texte susvisé par refus d’application ».
En conséquence, la blessure de la victime, qui trouve son origine dans un acte volontaire émanant de cette dernière, n’est pas pour autant de nature à exclure son droit à indemnisation au titre des dispositions de la loi Badinter.
Une telle solution s’inscrit dans la volonté d’accroître le champ d’application des dispositions de la loi Badinter, particulièrement marquante ces dernières années.
Elle trouve toutefois une limite : la faute inexcusable ou intentionnelle de la victime, qui exclue nécessairement son application.
Camille Chabouty
DROUINEAU 1927