Succession et Instagram : quand les réseaux sociaux battent la mesure ! (TGI de Nanterre, Pôle famille, 28 mai 2019, n°18/01502)

Actualités juridiques Drouineau 1927

Succession et Instagram : quand les réseaux sociaux battent la mesure ! (TGI de Nanterre, Pôle famille, 28 mai 2019, n°18/01502)

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Succession et Instagram : quand les réseaux sociaux battent la mesure ! (TGI de Nanterre, Pôle famille, 28 mai 2019, n°18/01502)

Bref rappel sur le droit applicable en matière de succession internationale
Saisis d’un dossier en matière de succession internationale, les juges français mettent en œuvre les
règles de conflit de compétences applicables en France pour déterminer la juridiction
compétente pour statuer.
En l’absence de conventions internationales, ils appliquent les règles prévues par le Règlement
n°650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des
décisions en matière de successions.
Il ressort de l’article 4 du Règlement précité relatif à la compétence que « sont compétentes
pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’Etat membre dans
lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. »
Le préambule du Règlement précise que l’autorité chargée de la succession procède à une
évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années
précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait
pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’Etat concerné
(élément objectif) ainsi que les conditions et les raisons de cette présence (élément subjectif).
En l’espèce, le débat a porté sur l’identification des différents éléments objectifs et subjectifs
nécessaires à la détermination de la résidence habituelle afin de savoir si la juridiction française
était compétente pour statuer sur l’ensemble de la succession de Jean-Philippe Smet, plus
connu sous le nom de Johnny Hallyday.
Sur la détermination de la résidence habituelle du de cujus
Si les demandeurs, David et Laura Smet, considéraient que la résidence habituelle de leur père se
trouvait en France, Laetitia Hallyday, quant à elle, faisait valoir que cette résidence était établie à
Los Angeles.
Pour étayer son argumentaire, David Hallyday a produit un tableau de géolocalisation
Instagram des époux Smet de 2012 à 2017 démontrant une durée de séjour en France a
minima de 151 jours en 2015 et de 168 jours en 2016.
Il a ajouté que son père a, sans discontinuité, été présent en France les huit mois précédent son
décès en décembre 2017.
Sa sœur, Laura Smet, a souligné que les posts Instagram versés aux débats par son frère
démontraient que la présence de leur père en France s’expliquait par des raisons tant personnelles
que professionnelles.
De façon inédite, le Tribunal de Nanterre s’est en partie fondé sur des publications tirées
des réseaux sociaux pour se livrer à une évaluation d’ensemble des circonstances de fait à
l’issue du débat contradictoire :
« Le décompte des temps de présence en France du chanteur a été établi par les défendeurs à l’incident à partir des
seules données publiques (posts Instagram) (…) Ces éléments, par hypothèse non exhaustifs attestent de la durée et
de la régularité de la présence en France de Johnny Hallyday ces dernières années.
L’existence de tranches de vie en Californie ne doit pas être sous-estimée, ainsi qu’il ressort des publications
produites par David Hallyday, même si Laetitia Hallyday s’abstient de s’y référer. »
Ainsi, la Juridiction nanterroise a consacré une solution inédite d’un point de vue de
l’administration de la preuve en matière de succession.
Finalement, les juges français ont retenu que la résidence habituelle de Johnny était située à
Marnes-la-Coquette et se sont déclarés compétents pour connaître de la suite de cette procédure
judiciaire, qui ne fait que débuter…

A. MAZZONETTO