Un village littoral sans lieu de vie ?

Actualités juridiques Drouineau 1927

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Droit de la construction, marchés publics

Un village littoral sans lieu de vie ?

Nous ne présentons plus les dispositions de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme lequel impose que l’extension de l’urbanisation des communes littorales soit réalisée en continuité avec les agglomérations et villages existants. L’application concrète de ces dispositions nécessite, dans un premier temps, de déterminer si le projet pourrait être qualifié « d’extension de l’urbanisation ». Cette qualification dépendra de la densité de l’urbanisation du secteur prévu pour accueillir le projet mais également de l’importance du projet en lui-même. Si le projet doit être finalement être qualifié d’extension de l’urbanisation il conviendra alors, dans un second temps, de s’assurer qu’il est implanté en continuité d’une agglomération ou d’un village existant. C’est la notion de « village » qu’est venue préciser la Cour administrative d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 2 février 2023, n°21BX01437.

En effet, classiquement le village est défini comme un ensemble de constructions organisées comprenant, ou au moins ayant compris dans le passé récent, des équipements publics ou privés, créant une vie de village, par exemple des commerces ou des services publics (Rép. min. no 49985: JOAN Q, 16 août 2005, p. 7902). Il était donc nécessaire de démontrer la présence actuelle ou passée d’équipements communs ou, à tout le moins, de lieux ayant pour effet de créer une « vie de village ». Dans son arrêt du 2 février 2023, la Cour bordelaise a admis la qualification de village à un groupe de constructions constitué exclusivement d’habitations. Pour cela, la Cour rappelle que l’autorité administrative s’assure de la conformité d’une autorisation d’urbanisme avec l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme « compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable déterminant les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors qu’elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral. » La jurisprudence rappelle donc l’importance du SCoT dans l’application de la loi « littoral » et donne un plein effet aux critères prévus par ce document pour définir et localiser les villages présents sur le territoire à condition toutefois qu’ils soient suffisamment précis et compatibles avec les dispositions législatives. En l’espèce, le SCoT avait expressément qualifié la zone de la Pointe du Médoc de village. Dans un premier temps, la Cour a vérifié que cette désignation était compatible avec les dispositions relatives au littoral : « Il ressort des pièces du dossier que le secteur de Vensac Océan comporte une cinquantaine de maisons d’habitation groupées, bordées au nord par la route de l’Océan et au sud par un chemin matérialisant la frontière entre les communes de Vensac et de Vendays-Montalivet, et qui sont desservies par plusieurs voies internes telles que la rue des Embruns, la rue du Jusant ou encore la rue des Baleines.

Au regard des caractéristiques de ce secteur, qui présente un nombre et une densité significatifs de constructions, les dispositions du schéma de cohérence territoriale de la Pointe du Médoc qualifiant cette zone de village au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme sont compatibles avec les dispositions particulières relatives au littoral, alors même que ladite zone ne serait pas caractérisée par la présence de commerçants, d’artisans ou encore de services publics ». La Cour estime donc que la législation applicable au littoral ne s’oppose pas à ce que soit qualifiée de village une zone présentant un nombre et une densité significatifs de constructions mais aucun lieu de vie. La juridiction va plus loin en indiquant que : « la circonstance que la zone de Vensac Océan constituerait un lotissement n’est pas de nature par elle-même à faire obstacle à ce qu’elle puisse être regardée comme un village au sens des dispositions relatives au littoral ». La possibilité qu’un lotissement soit qualifié de village pourrait ouvrir de nouvelles possibilités d’extension en communes littorales. Les villages existeraient donc sans vie de village !?