Bail emphytéotique et action en garantie décennale

Actualités juridiques Drouineau 1927

Bail emphytéotique et action en garantie décennale

Autres actualités

Érosion littorale : L’exemple du département de Charente-Maritime

Dans la gestion du trait de côte, et dans la gouvernance adaptée à cette situation, les collectivités ont leur place, avec toutefois une approche a priori minorée pour le département. Le département, en tant que...

L’érosion côtière : les cartes locales d’exposition au risque

Faire face au recul du trait de côte engage, nous le savons, un grand nombre de questions juridiques évidemment, mais d’abord et avant tout des enjeux humains et sociaux. L’érosion côtière, perte progressive de sédiments...

Recours en annulation contre les cartes d’aléas

Le Conseil d’État a tranché : les cartes d’aléas établies par l’État ou pour son compte sont des actes faisant grief, susceptibles de recours. Cette position est bienvenue lorsque l’on connaît les effets de ce type...

Recul du trait de côte et information des futurs acquéreurs

L’attractivité du littoral ne faiblit pas : entre 2013 et 2050, la population des communes littorales pourrait augmenter de 570 000 habitants et atteindre 8.7 millions en 2050[1]. Les prix du marché de l’immobilier se...

La Commune peut-elle venir en aide à un administré en cas de végétation abondante sur une propriété privée abandonnée voisine ?

Si en principe tout propriétaire est tenu d’entretenir ses terrains, il peut arriver que certains propriétaires soient moins diligents que d’autres. En ce cas, le voisin gêné et le Maire peuvent intervenir sous réserve de...

Bail emphytéotique et action en garantie décennale

Dans le cadre d’un bail emphytéotique, l’action en garantie décennale revient par défaut au preneur en cas de désordres affectant le bien. (Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 11 juillet 2024 n°23-12.491) La 3ème Chambre...

Loi « Littoral » : nouvelle précision sur la notion d’agrandissement d’une construction existante

Le principe est désormais bien ancré : l’extension des constructions existantes n’est pas une extension de l’urbanisation au sens des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CE, 3 avril 2020, req. n° 419139)....

Autorisations d’urbanisme et recul du trait de côte

La nécessité immédiate de prendre en compte le risque « érosion » dans le cadre de l’instruction des autorisations d’urbanisme. La loi Climat et résilience offre aux communes volontaires de nombreux outils pour s’adapter et gérer au...

L’adaptation au recul du trait de côte 

Adaptation au recul du trait de côte : vers un modèle de financement d’ici la fin de l’année ? Les politiques locales d’adaptation au recul du trait de côte sont confrontées à un défi majeur : celui du...

Le patrimoine communal et ses éléments fondamentaux

Les voies communales, les chemins ruraux et les voies d’exploitation comme éléments fondamentaux du patrimoine communal Les voies de communication jouent un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire et la vie quotidienne des citoyens. Parmi...

En découvrir plus sur le cabinet Drouineau 1927

Domaine public

Bail emphytéotique et action en garantie décennale

Dans le cadre d’un bail emphytéotique, l’action en garantie décennale revient par défaut au preneur en cas de désordres affectant le bien. (Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile,

11 juillet 2024 n°23-12.491)

La 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 11 juillet 2024 n°23-12.491, revient sur la question du titulaire des actions en garantie décennale dans le cadre d’un bail emphytéotique.

Pour rappel, le bail emphytéotique, ou emphytéose, est un contrat issu du droit rural, régi par les articles L451-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime.

Il s’agit de la convention par laquelle le bailleur transfère au preneur (emphytéote), la charge de l’entretien et de la valorisation d’un patrimoine immobilier, pour une durée comprise entre 18 et 99 ans. Le bailleur lui confère un droit réel immobilier, qui est cessible, saisissable et susceptible d’hypothèque. Ce droit réel permet au preneur de tirer profit du bien, par un droit d’exploitation très étendu. 

En contrepartie, l’emphytéote verse un loyer au bailleur et ne peut opérer aucun changement sur le bien qui diminue sa valeur. Surtout, l’ensemble des améliorations et constructions nouvelles deviennent à la fin du bail propriété exclusive du bailleur, sans indemnité.

Historiquement utilisé dans le domaine agricole, ce contrat a aujourd’hui un large spectre d’utilisation.

Le bail emphytéotique peut être par exemple utilisé pour l’installation et l’exploitation de panneaux photovoltaïques sur des bâtiments agricoles.

La Cour de Cassation fut saisi d’un litige dont les contours sont les suivants :

M.E est propriétaire de bâtiments agricoles. En 2010, la société Cadusun, maître d’ouvrage, confie à une entreprise, assurée par la société Sagena, la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques sur la toiture des bâtiments de M.E.

Des dysfonctionnements apparaissent et la société Cadusun assigne la société Sagena en réparation sur le fondement de la garantie décennale.

En cours d’instance, M. E et la société Cadusun concluent un bail emphytéotique portant sur l’emprise des panneaux photovoltaïques et leurs accessoires.

Devant la Cour de Cassation, la société Sagena soutient que la société Cadusun n’avait pas qualité pour agir car les droits réels dont disposent l’emphytéote ne peuvent lui permettre de bénéficier de la garantie décennale pour des désordres affectant le bien préexistant et survenus antérieurement à la signature du bail.  

La défenderesse avance également qu’aucune stipulation expresse du bail ne confère à la société Cadusun la qualité de maître d’ouvrage, nécessaire pour exercer l’action en garantie décennale. 

La Cour de Cassation rejette le pourvoi formé par la société Segana et délivre, après avoir rappelé la définition du bail emphytéotique, un considérant de principe particulièrement explicite :

« Compte tenu de son objet, sauf stipulation contraire, l’emphytéose emporte, par elle-même, dès l’entrée en jouissance par l’effet du bail et pendant toute la durée de celui-ci, transfert du bailleur au preneur des actions en garantie décennale et en réparation à raison des désordres affectant les ouvrages donnés à bail ».

La Cour livre un raisonnement contraire à celui invoqué par la société Sagena : aucune stipulation du bail ne réservant au bailleur l’action en garantie décennale sur les ouvrages existants au moment du bail, la société Cadusun avait, dès la conclusion du bail, qualité à agir sur ce fondement à raison des désordres affectant les panneaux.

Cette décision importante témoigne de la particularité du bail emphytéotique et de l’étendue des droits accordés à l’emphytéote. Détenteur d’un droit réel immobilier, le preneur est appelé à se comporter comme un « bon père de famille » vis-à-vis du bien qui lui a été confié, ce qui implique d’être détenteur, par défaut, des actions en garantie décennale.

Bail emphytéotique et action en garantie décennale

Julie Gervais de LAFOND