Le Conseil d’État a tranché : les cartes d’aléas établies par l’État ou pour son compte sont des actes faisant grief, susceptibles de recours.
Cette position est bienvenue lorsque l’on connaît les effets de ce type de documents sur la constructibilité des parcelles concernées et l’instruction des autorisations d’urbanisme.
Le conseil d’État rappelle un principe désormais établi : les documents de portée générale émanant d’autorités publiques peuvent être déférés au juge lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes.
Or, la juridiction relève que la carte d’aléa mouvement de terrain établie par le CEREMA :
- a été publiée sur le site internet de la préfecture accompagnée d’un commentaire selon lequel « dès lors qu’elle est communiquée à la collectivité, cette nouvelle connaissance du risque doit être prise en compte par la commune et l’État, notamment pour ce qui concerne la planification et les autorisations d’urbanisme »,
- a été communiquée par courrier à la commune en indiquant qu’elle devait être prise en compte « dès à présent pour l’application du droit des sols, dans les secteurs nouvellement cartographiés (…) et si nécessaire refuser le projet ou ne l’accepter que sous réserve de prescriptions ».
La Conseil d’État a donc considéré que, dans ces conditions, cette cartographie :
- était destinée à orienter de manière significative les autorités compétentes dans l’instruction des autorisations d’urbanisme,
- était de nature à influer sur la valeur vénale des terrains concernés,
- n’était pas un document préparatoire en l’absence de projet de révision du plan de prévention des risques applicables.
Dans ces conditions, la cartographie est susceptible d’emporter des effets notables sur la situation et les intérêts des propriétaires des parcelles classées en zone d’aléa fort et pouvaient, par suite, faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Sur le fond, la cartographie est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que :
- les conclusions d’une expertise géotechnique réalisée pour la communauté d’agglomération mettait en cause la méthodologie retenue par le CEREMA,
- un rapport établi par un expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif avait conclu que, compte tenu de la faible prédisposition des lieux au glissement de terrain et en l’absence d’élément aggravant, une partie de ces parcelles devrait être classée en aléa moyen et les autres en aléa faible.
Cette décision rappelle au besoin les effets importants, sur les documents d’urbanisme et l’instruction des autorisations, des cartes établies par les services de l’Etat et communiquées aux communes.
Néanmoins, l’admission des recours contre ces cartes d’aléas permet un contrôle des documents techniques et évite ainsi des classements arbitraires ou infondés.
Compte tenu de leurs effets sur la constructibilité des terrains, il est certain que l’établissement et la révision des cartes d’aléas feront l’objet de quelques batailles.