Les dispositions de la Loi Littoral souffrent de quelques imprécisions qui nécessitent un travail d’interprétation. La question de la présence de foodtrucks en bord de plage, en espace remarquable, en fait partie. Les communes sont appelées à délivrer des autorisations d’occupation temporaire du domaine public (AOT), ce qui peut être source d’interrogation. Certaines réponses ministérielles apportent des éléments de réponse.
- Les foodtrucks ne sont pas admis en espace remarquable car ils ne sont pas au nombre des aménagements légers autorisés
Pour rappel, le Code de l’urbanisme prévoit un principe de préservation et d’inconstructibilité des espaces du littoral dits remarquables (dunes, landes côtières, îlots inhabités, marais…). La qualification d’espaces remarquables, qui tendent à être identifiés par les documents d’urbanisme, repose sur des critères réglementaires prévus à l’article R121-4 du code de l’urbanisme, de même que sur des contributions jurisprudentielles.
Dans ces espaces, sont autorisés par exception :
- les aménagements légers limitativement énumérés à l’article R. 121-5 du Code de l’urbanisme,
- lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public,
- sous réserve qu’ils ne portent pas atteinte au caractère remarquable du site (article L. 121-24 du Code de l’urbanisme).
Les aménagements légers autorisés sont ceux énumérés limitativement et sous conditions à l’article R121-5 du Code de l’urbanisme, à savoir :
- Les aménagements nécessaires à l’ouverture de ces espaces au public (cheminements pour piétons et vélos ; poste d’observation de la faune et de la flore ; sanitaires…)
- Les aires de stationnement indispensables, ni cimentées ni bitumées
- La réfection des bâtiments existants et l’extension limitée de ceux nécessaires à l’exercice d’activités économiques
- Les aménagements nécessaires à l’exercice des activités agricoles, conchylicoles, aquacoles
- Les canalisations
- (…)
Or, il a été jugé que les aménagements liés à l’activité de restauration ne relèvent d’aucune de ces exceptions (CAA Marseille, 6 décembre 2019, req. n° 17MA0351 ; CAA Marseille, 30 septembre 2013, req. n° 11MA00434).
Interrogé au sujet d’un projet d’installation d’une construction saisonnière proposant des services de restauration sur les plages de la commune de Saint-Georges-de-Didonne en Charente Maritime, dans le cadre d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime naturel, le Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a indiqué que :
« l’implantation d’un établissement de restauration de plage, même lorsqu’il présente un caractère démontable, n’entre dans le champ d’aucune des exceptions énumérées par l’article R. 121-5 du code de l’urbanisme » (Réponse publiée au JO le : 17/01/2023 page : 509).
De plus, une autre réponse ministérielle de 2022 avait déjà précisé que : « L’implantation d’un établissement de restauration de plage, même lorsqu’il présente un caractère démontable, n’entre dans le champ d’aucune des exceptions énumérées par l’article R. 121-5 du code de l’urbanisme et ne constitue pas non plus une activité économique exigeant la proximité immédiate de l’eau au sens de l’article L. 121-17 (CAA Marseille, 30 septembre 2013, n° 11MA00434 ; CE, 9 octobre 1996, n° 161555). Il en est de même d’un « food truck ». (Question N° 42334, Réponse publiée au JO le : 15/03/2022 page : 1759)
Ainsi, les foodtrucks font l’objet du même constat que pour les établissements de restauration de plage démontables : ils ne sont pas autorisés en espace remarquable en ce qu’ils ne sont pas au nombre des aménagements légers autorisés.
- Mais la question plus large de l’applicabilité de la loi « Littoral » aux foodtrucks doit être soulevée
La réflexion pourrait être poussée plus loin : et si les foodtrucks n’étaient tout simplement pas soumis aux dispositions de la loi « Littoral » et pouvaient occuper les aires de stationnement au même titre qu’un véhicule classique ?
Pour rappel, la loi « Littoral » est applicable « à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l’ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l’établissement de clôtures, l’ouverture de carrières, la recherche et l’exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l’environnement. » (article L121-3 du Code de l’urbanisme).
Un foodtruck est-il considéré comme une installation, ou un aménagement ? Le fait que le stationnement de caravanes soit explicitement cité implique-t-il que le stationnement de tout autre véhicule, dont les foodtrucks, ne rentre pas dans le champ d’application de la loi littoral ?
La réponse ministérielle du 15 mars 2022 apporte quelques éléments sur cette réflexion :
« L’article L. 121-3 du code de l’urbanisme confère un champ d’application très large aux dispositions de la loi littoral. Celles-ci s’appliquent à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous « travaux, constructions » et « aménagements, installations et travaux divers », ce qui les rend opposables aux établissements de restauration de plage, comme l’a déjà reconnu la jurisprudence, mais aussi aux structures sur roues de type « food truck » assorties d’espaces de consommation sur place, qui sont installées au bord des plages pendant la période estivale. Le cas échéant, de telles installations sont donc soumises aux dispositions de la loi littoral, notamment aux régimes applicables à la bande des 100 mètres du rivage ainsi qu’aux espaces remarquables du littoral ».
Et plus loin : « Son installation, assortie d’espaces de consommation sur place, est soumise aux dispositions de la loi littoral opposables à l’exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, en vertu de l’article L. 121-3. Ce type d’installation, qui ne peut pas plus qu’un autre établissement de restauration sur plage se rattacher à l’une des exceptions précitées est donc également prohibé tant en dehors des espaces urbanisés de la bande des 100 mètres que dans les espaces remarquables du littoral. Leur installation, comme celle des établissements de restauration de plage traditionnels, reste toutefois possible dans les espaces urbanisés de la bande des 100 mètres (…) » (Question N° 42334, Réponse publiée au JO le : 15/03/2022 page : 1759).
La référence aux foodtrucks est systématiquement suivie de l’expression « assortis d’espaces de consommation sur place ».
Il est donc possible de déduire de cette réponse ministérielle que :
- Seuls les foodtrucks assortis d’espaces de consommation sur place sont soumis aux dispositions de la loi « Littoral » qui interdit leur installation en espaces remarquables (et en dehors des espaces urbanisés de la bande des 100 mètres).
- En revanche, les foodtrucks non assortis d’espaces de consommation sur place (sans chaises ni tables) pourraient être assimilables à un simple stationnement à la journée qui pourrait être autorisé en espace remarquable.
Ainsi est-il difficile de conclure à l’impossibilité formelle d’autoriser un foodtruck à occuper le domaine public en espace remarquable : l’interprétation ministérielle laisse un espace aux foodtrucks proposant uniquement la vente à emporter, sans aucune installation annexe.
Les modalités de l’exercice de l’activité de restauration doivent donc être appréciées au cas par cas et les documents d’urbanismes locaux doivent être consultés.
Une confirmation ministérielle ou jurisprudentielle sur la question serait la bienvenue, pour assurer la légalité des AOT délivrées.
Il sera à cet égard rappelé que toute activité économique sur le domaine public doit être précédée de mesures de sélection préalables en application de l’article L2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques.