Adaptation au recul du trait de côte : vers un modèle de financement d’ici la fin de l’année ?
Les politiques locales d’adaptation au recul du trait de côte sont confrontées à un défi majeur : celui du financement.
Selon le CEREMA, en 2050, 5200 logements et 1400 locaux d’activités seront touchés par le recul du trait de côte, représentant une valeur vénale de 1.2 milliards d’euros.[1]
Si certaines opérations ciblées peuvent être soutenues financièrement par l’Etat, notamment par le Fonds Vert, à travers différents moyens (AMI, PPA, stratégies locales…), la question de l’indemnisation des propriétés privés dont les biens sont menacés par l’érosion côtière est tout autre.
Les propriétaires de biens qui disparaissent ou disparaitront à la mer doivent-ils être indemnisés ? Dans l’affirmative, par qui, et selon quels supports juridiques ?
Le discours de l’Etat tend à exclure toute indemnisation.
En effet, le recul du trait de côte n’est pas appréhendé par le droit sous l’angle des risques naturels majeurs ; il est regardé comme une problématique d’aménagement, qui doit être traitée localement, à travers la politique d’aménagement et d’urbanisme.
Au demeurant l’approche patrimoniale, pourtant essentielle, fait singulièrement défaut.
L’érosion côtière a été reconnue comme exclue de la liste des risques naturels majeurs, dont le régime permet l’expropriation et l’indemnisation des propriétaires, par le fonds Barnier. Le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel ont jugé que l’érosion côtière n’est pas assimilable aux risques de submersion marine ou de mouvements de terrain, qui sont expressément cités à l’article L561-1 du Code de l’environnement comme risques naturels majeurs (CE, 16 août 2018 n°398671 et Conseil Constitutionnel, QPC du 29 mars 2018 n°2018-698).
Selon les derniers travaux, il pourrait alors être question d’un mécanisme de « solidarité nationale » incitant les propriétaires à libérer leurs biens au profit des collectivités territoriales.
L’idée du dispositif est de « mobiliser des financements publics de l’Etat pour accompagner les propriétaires occupants de résidences principales dans la libération de leurs biens, sous conditions de ressources et selon la date d’acquisition. Ces dotations versées aux collectivités territoriales constituent une aide à la maîtrise foncière de la bande côtière menacée. »[2].
Cela permettrait d’éviter certaines situations fâcheuses dans lesquelles les propriétaires occupent jusqu’au dernier moment leur bien, en mettant en péril leur sécurité et la responsabilité des communes…
Selon les pistes soulevées dans le rapport IGEDD/IGA, le dispositif se présenterait comme suit :
- Seuls les propriétaires de résidences principales sont concernés ;
- Le montant du rachat dépend de 2 critères de modulation : le degré de connaissance du risque au moment de l’achat et les conditions de ressources ;
- L’aide serait plafonnée à 70% de la valeur vénale de référence, dans la limite de 300 000€
- La proposition ne sera faite qu’une seule fois au propriétaire, dans une logique de « à prendre ou à laisser » et l’accord entraînera la cession du bien entre le propriétaire et la collectivité.
Le Comité National du Trait de Côte (CNTC), présidé par la députée réélue Sophie Panonacle, planche sur cette question et devrait proposer d’ici peu un nouveau mécanisme de financement, qui doit figurer dans le projet de loi de finances de 2025.
La piste de la création d’un fonds dédié est soulevée, fonds qui pourrait être financé par les taxes sur l’éolien en mer ou encore par la taxe GEMAPI.
La présentation des propositions du CNTC a été retardée par la dissolution de l’Assemblée Nationale.
Les élus sont toujours en attente et doivent répondre à l’inquiétude croissante des propriétaires concernés.
Sans attendre un soutien financier total de l’Etat sur la question, les collectivités peuvent trouver des solutions financières et pratiques en établissant une stratégie de gestion et de valorisation de leur patrimoine.
Les communes inscrites au « décret-liste » (dernière version du décret du 10 juin 2024 n°2024-531) pourront s’emparer des nouveaux outils mis à disposition, comme le nouveau droit de préemption ou le nouveau bail réel d’adaptation à l’érosion côtière (BRAEC).
[1]CEREMA, Rapport d’étude « Projection du trait de côte et analyse des enjeux au niveau national – Horizon 2050 et 2100, 2024).
[2] IGEDD, IGA, Rapport, Financement des conséquences du recul du trait de côte – Comment accompagner la transition des zones littorales menacées, novembre 2023, rendu public en mars 2024).