L’attractivité du littoral ne faiblit pas : entre 2013 et 2050, la population des communes littorales pourrait augmenter de 570 000 habitants et atteindre 8.7 millions en 2050[1].
Les prix du marché de l’immobilier se maintiennent, voire s’établissent à rebours du risque, ce qui s’explique par un « désir de rivage » particulièrement fort[2].
Pourtant, si le recul du trait de côte (RTC) est plus ou moins palpable selon les territoires, le phénomène est inéluctable dans la mesure où il est désormais reconnu que « l’élévation prévisible du niveau de la mer se poursuivra pendant plusieurs siècles en raison de l’inertie thermique des océans, y compris en cas de très forte réduction des émissions de GES »[3].
Cette situation paradoxale entre risque et attractivité rend la tâche difficile aux collectivités qui souhaitent mener une politique d’adaptation contrôlée de la frange littorale au recul du trait de côte. Il serait en effet regrettable de se retrouver « au pied du mur », avec une disparition subie des biens à la mer, la mise en danger des personnes et la mise en cause de la responsabilité des communes.
Des évolutions législatives et réglementaires permettent de progresser sur la question.
Parmi elles, l’IAL (Information des Acquéreurs et Locataires) oblige le vendeur ou le bailleur d’un bien immobilier à informer le futur acquéreur ou locataire de l’exposition du bien au recul du trait de côte.
C’est l’une des mesures de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 (article 236), complétée par un décret d’application n°2022-1289 du 1er octobre 2022.
L’article L125-5 du Code de l’environnement prévoit que les futurs occupants d’un bien doivent être informés de l’existence des risques qui touchent le bien.
Cela concerne les biens situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques (PPRT), des risques miniers (PPRM) ou des risques naturels prévisibles (PPRN) ou dans des zones de sismicité ou à potentiel radon.
Désormais, cela concerne également les biens situés dans les zones susceptibles d’être atteintes par le recul du trait de côte, à un horizon à 30 et 100 ans.
Ces zones sont celles qui doivent être délimitées par les documents d’urbanisme des communes inscrites au « décret-liste », en application des articles L121-22-2 et suivants du Code de l’urbanisme. Elles seront consultables à l’avenir sur le portail national de l’urbanisme
Concrètement, cette obligation d’information intervient :
- D’une part, au stade de l’annonce immobilière. Toute annonce relative à la vente ou la location d’un bien concerné, quel que soit son support de diffusion, doit comprendre une mention indiquant le moyen d’accéder aux informations sur ce risque (PPRT, PPRM, PPRN, zones d’exposition au RTC).
- D’autre part, par l’établissement d’un « état des risques ». En cas de mise en vente de l’immeuble, l’état des risques est remis au potentiel acquéreur lors de la première visite du bien. Il est également intégré dans le diagnostic technique, la promesse de vente et l’acte authentique de vente. L’état des risques est important car sa remise à l’acquéreur a des effets sur le départ du délai de rétractation. De la même manière s’agissant de la location, l’état des risques doit être fourni au locataire lors de la première visite de l’immeuble et est annexé au contrat de location lors de la conclusion du bail.
En cas de non-respect de ces dispositions, l’acquéreur ou le locataire peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix.
Plusieurs remarques peuvent être faites concernant l’«IAL recul du trait de côte ».
Tout d’abord, cette obligation d’information ne sera applicable qu’une fois que les zones d’exposition au RTC à 30 et 100 ans seront élaborées puis intégrées dans les documents d’urbanisme, ce qui n’arrivera pas avant plusieurs mois, voire années. Cette échéance tardive est regrettable.
De plus, l’« IAL recul du trait de côte » n’est applicable que sur le territoire des communes du décret-liste.
Pourtant, nombre de communes menacées n’y figurent pas, l’inscription étant volontaire. Dans ces communes, qui ne sont pas dotées des outils d’urbanisme et de gestion de leur patrimoine offerts par la loi Climat et Résilience, il sera encore plus difficile de mener d’ambitieux projets de relocalisation et d’adaptation.
En tout état de cause, on peut s’interroger sur la portée et l’intérêt de ce dispositif d’information quand on voit l’ampleur du « désir de rivage », qui pousse certains à acquérir des biens menacés, en connaissance de cause, mais désireux de profiter de ce cadre d’exception, quoi qu’il en coûte.
Enfin, il pourrait être pertinent d’intégrer à l’IAL l’information suivante : les collectivités n’ont aucunement l’obligation de protéger les propriétés privées riveraines de la mer contre l’action naturelle des eaux. Cette protection (par des ouvrages de défense notamment) incombe aux propriétaires eux-mêmes (article 33 de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais).
Aussi, et surtout, aucun dispositif financier d’indemnisation totale n’est prévu pour les propriétaires victimes de la disparition de leur bien.
À bon entendeur.
[1]Taupin, B., Erosion du littoral – Pour une organisation renouvelée, EMS Editions, 2024.
[2] Thèse d’Eugénie Cazeaux, La prise en compte du risque côtier par les marchés fonciers immobiliers, Université de Bretagne Occidentale, 2022 (extrait de la mission IGEDD/IGA, annexe 3).
[3] Cour des Comptes, Rapport public annuel 2024, partie 2, La gestion du trait de côte en période de changement climatique.