Le 12 mars, à l’occasion de la publication de son rapport annuel pour l’année 2024, la Cour des comptes a formulé de vives critiques concernant la gestion du recul du trait de côte en France.
Le constat est frappant : « Sur la façade atlantique, l’érosion côtière peut atteindre des niveaux parmi les plus importants d’Europe. C’est le cas par exemple sur la côte ouest de l’île d’Oléron (Charente-Maritime), où l’on observe des taux de recul annuels moyens de 15 mètres (…) ».
Pour ne citer que quelques exemples, il ressort notamment de ce rapport la nécessité impérieuse :
- D’améliorer les projections de recul du trait de côte en recherchant des partenariats entre les acteurs en la matière et en homogénéisant les méthodes utilisées ;
- D’établir un recensement précis des biens publics et privés menacés en y incluant les équipements publics, les ouvrages routiers etc. (ce qui représenterait des dizaines de milliards d’euros à l’horizon 2050) ;
- D’intégrer davantage ce phénomène dans les politiques d’aménagement du territoire notamment par une couverture plus large des communes concernées par un PPRL et la prise en compte du risque dans l’instruction des autorisations d’urbanisme (cf : La prise en compte impérative des risques naturels dans l’instruction des autorisations d’urbanisme).
La Cour des comptes conseille une montée en puissance des dispositifs prévus par la loi Climat et résilience, notamment :
- L’obligation d’établir une carte locale des zones exposées au recul du trait de côte à 30 et 100 ans au sein desquelles s’appliqueront des règles contraignantes de constructibilité ;
- La conclusion d’un projet partenarial d’aménagement avec l’Etat afin de délimiter des secteurs de relocalisation pouvant déroger aux principes de continuité des villages et agglomérations existants, de densification en SDU et de constructibilité limitée en espace proche du rivage (après accord du ministre).
Quoi qu’il en soit, l’adaptation au recul du trait de côte est l’affaire de tous.
En effet, il convient de garder à l’esprit que la protection des propriétés riveraines de la mer contre l’action naturelle des eaux incombe aux propriétaires concernés (article 33 de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais, CAA de Toulouse, 21 février 2023, n°21TL00405).
En cas de danger grave ou imminent sur des propriétés privées, le maire ordonnera l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances pouvant aller jusqu’à l’évacuation de l’immeuble, l’interdiction d’y accéder et/ou l’installation d’un périmètre de sécurité (article L. 2212-3 du Code général des collectivités territoriales, CE, 16 août 2018, n°398671).
L’action des collectivités est réelle, par exemple en Martinique, avec la commune du Prêcheur qui organise la relocalisation des habitants du littoral.
Les propriétaires privés sont cependant en première ligne, et ne peuvent rester attentistes face à ce constat, dans l’attente d’hypothétiques actions publiques.
C’est d’abord à eux d’agir, soit en reculant, soit en organisant une action concertée des propriétaires concernés, dans la mise en œuvre de dispositifs de défense à la mer.
Il est désormais urgent d’engager des réflexions collectives, et de mettre en place des stratégies communes, par le biais d’outils juridiques adaptés tels que la constitution d’ASA ou d’ASL permettant d’organiser et de financer collectivement les actions de défense contre la mer.
Enfin, et surtout, il est nécessaire de garder à l’esprit que la défense contre la mer n’est pas nécessairement la solution la plus adaptée : l’Homme doit accepter que, dans certaines situations, le recul soit la sagesse.
« Homme libre toujours tu chériras la mer », cet amour devant être associé à la responsabilité humaine, qui commande de la respecter, dans ses lais et relais, aussi furieux soient-ils.