Pouvoirs de police administrative et érosion côtière :
Face au recul du trait de côte, qui touche 20% des côtes françaises selon le CEREMA, les maires sont en première ligne. Se pose la question de l’utilisation des pouvoirs de police administrative pour réagir face à l’assaut de la mer, à court, moyen ou long terme, lorsque des personnes et biens privés sont menacés.
Rappelons avant tout le principe selon lequel il appartient aux propriétaires de parcelles menacées par l’avancée de la mer d’assurer eux-mêmes la protection de leur bien (article 33 de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais ; CAA Toulouse, 4e ch., 21 février 2023, n° 21TL00405).
L’utilité des pouvoirs de police administrative pour réagir face au recul du trait de côte est contrastée.
En cas de danger grave ou imminent, le maire peut faire usage des pouvoirs qu’il détient en vertu de l’article L2212-4 du CGCT,
Confronté à une situation d’urgence menaçant un immeuble ou des personnes, le maire peut faire usage de ses pouvoirs de police générale qu’il détient en vertu de l’article L2212-2 et L2212-4 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), sous la condition de la présence d’un danger grave ou imminent. Dans ce cas, il prescrit « l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances » (ordonner l’évacuation des personnes, prononcer l’interdiction d’habiter l’immeuble, réaliser des travaux sur une propriété privée…).
La notion de danger grave ou imminent est entendu in concreto par la jurisprudence et il en ressort que le maire peut difficilement faire usage de ces pouvoirs en matière d’érosion côtière progressive.
Le contentieux des « villas jumelles » à Biscarosse en témoigne. Leur effondrement ne constitue pas un danger grave ou imminent et « l’état de l’immeuble en litige n’était pas de nature à justifier l’adoption par le maire d’une mesure d’interdiction permanente et définitive privant les propriétaires actuels de tout usage de leur bien. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que la mesure adoptée par le maire au titre de ses pouvoirs de police générale est disproportionnée et en conséquence entachée d’illégalité.» (TA Pau, 3e ch., 22 juillet 2022, n° 1901635).
Ainsi, un maire ne peut faire usage de ses pouvoirs de police générale dans une logique préventive pour libérer un immeuble menacé à moyen ou long terme par l’avancée de la mer.
En dehors des situations d’extrême urgence pour lesquelles le maire est à même d’intervenir, le droit de propriété prédomine encore et les propriétaires sont seuls maîtres de leur bien, si menacé soit-il.
Puis, la procédure d’arrêté de péril n’est pas applicable à l’érosion côtière.
En cas d’immeuble menaçant ruine, le maire est susceptible d’intervenir au titre de ses pouvoirs de police spéciale de la sécurité des immeubles (articles L511-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation). Il peut prendre un arrêté de péril enjoignant au propriétaire de réaliser des travaux dans un certain délai, qui peut être assorti d’une interdiction d’habiter. En cas d’urgence, un arrêté de « péril imminent » peut être pris pour ordonner l’évacuation des habitants de l’immeuble.
Cependant, il est de jurisprudence constante que ces pouvoirs de police ne peuvent s’appliquer que lorsque les dégâts ont une origine interne à l’immeuble (vétusté ou vices de construction) (CE, 5 janvier 1979, n°04602). Un maire ne peut prononcer un arrêté de péril sur le fondement des articles du Code de la construction si les causes sont extérieures à la construction, par exemple l’érosion côtière ou une inondation.
Inversement, dans tous les cas où il existe un danger grave ou imminent, le pouvoir de police général du CGCT s’applique, quel que soit la cause du danger.
De nouveaux pouvoirs de police administrative permettent au maire de prononcer la démolition d’immeubles menacés à moyen terme, dans des conditions particulières
La Loi Climat et Résilience attribue de nouveaux pouvoirs de police aux maires des communes du « décret-liste » (décret n° 2023-698 du 31 juillet 2023).
Sur le territoire de ces communes, les zones exposées au recul du trait de côte à 30 et 100 ans doivent être identifiées dans une carte locale, intégrée au PLU (article L121-22-2 du Code de l’urbanisme). Dans les zones menacées à 100 ans, les constructions nouvelles sont autorisées mais leur démolition obligatoire lorsque le recul du trait de côte sera tel que la sécurité des personnes ne pourra pas plus être assurée au-delà d’une durée de 3 ans (article L121-22-5 du Code de l’urbanisme).
Dans ce cas, la démolition est sous la responsabilité et aux frais des propriétaires et devra être suivie d’une remise en état. Lors de la délivrance du permis de construire, la somme correspondant à la démolition et à la remise en état est consignée à la Caisse des Dépôts.
Le maire est tenu d’assurer l’exécution des obligations du propriétaire :
- L’obligation de démolition et de remise en état est ordonnée par arrêté du maire, sous un délai déterminé qui ne peut être inférieur à 6 mois.
- Si l’arrêté n’a pas été exécuté dans ce délai, le maire met en demeure le propriétaire de procéder à cette exécution, dans un délai déterminé qui ne peut être inférieur à 1 mois.
- Si les travaux ne sont pas réalisés à la suite de la mise en demeure, le maire peut faire procéder d’office à tous les travaux nécessaires en lieu et place du propriétaire et à ces frais.
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Face aux limites des pouvoirs de police administrative en matière de recul du trait de côte, il peut être intéressant pour les collectivités de définir une stratégie foncière globale en usant d’autres outils (mobilisation des propriétaires au sein d’une ASA, droit de préemption, maîtrise de l’urbanisation…).
Villas jumelles à Biscarosse (GIP Littoral Nouvelle Aquitaine)