On ne pouvait pas réformer le droit des sûretés sans réformer également le droit des entreprises en difficultés. Alors, en s’emparant de la directive « restructuration et insolvabilité », le gouvernement procéda d’une pierre deux coups et en profita pour se conformer un peu plus au droit de l’union européenne. Bien loin de vouloir dresser un catalogue des nouveautés que présenterait cette directive « automne – hiver 2021 », il s’agit d’aborder les points principaux qui nous paraissent essentiels dans une pratique de conseil et de contentieux. Cependant, avant d’aborder le dur du sujet, il convient de noter que cette réforme, à contrario de la réforme du droit des sûretés qui entrera en vigueur au 1er janvier 2022, entrera en vigueur à compter du 1er octobre 2021 (article 73).
Il faut donc se mettre à la page très rapidement ! Pas de panique ceci dit. Déjà, vous trouverez ici une synthèse non exhaustive des dispositions de ladite ordonnance mais surtout, ces dernières ne seront pas applicables aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur. Pour des raisons de lisibilité, nous ne traiterons dans cette première partie, que du volet de l’ordonnance modifiant les règles du livre VI du code de commerce relatives aux sûretés. Mais l’autre objectif de cette ordonnance est tout de même de procéder à la transposition de la directive « restructuration et insolvabilité » et de mettre en cohérence les procédures du Livre VI du Code de commerce avec les nouvelles règles.
Cet autre pan de l’ordonnance fera l’objet d’une seconde partie. Les présentations étant faites, il est désormais temps de décortiquer ce texte. Pour rappel, le livre VI du code de commerce est consacré aux difficultés des entreprises. Ainsi, cette ordonnance traite des sûretés avant (A) et après (B) l’ouverture d’une procédure collective. A – Sort des sûretés avant l’ouverture de la procédure collective Tout d’abord, l’ordonnance améliore le sort du garant du débiteur dans le cadre d’une procédure de conciliation en lui faisant bénéficier des délais de grâce qui seraient octroyés par le juge au débiteur (article 7). Autre intervention notable : la modernisation du régime des nullités de la période suspecte de plein droit. En effet, le 6° de l’article L632-1 du code de commerce est modifié afin de soumettre à ces nullités l’ensemble des sûretés réelles conventionnelles et tout droit de rétention conventionnel constitués sur les biens ou droits du débiteur pour dettes antérieurement contractées (article 50).
Cela une consécration de la jurisprudence de la Haute cours qui permet, en période suspecte, la substitution de sûretés lorsque la nouvelle vient en remplacer une autre, antérieure, d’une nature et d’une assiette au moins équivalente. Enfin, compte tenu du régime particulier de la cession de créances Dailly, il est fait exception à la nouvelle règle de nullité de plein droit lorsque la cession de créance est intervenue en exécution d’un contrat – cadre conclu antérieurement à la date de la cessation des paiements (article 19). B – Sort des sûretés après l’ouverture de la procédure collective Une fois la procédure collective ouverte, les sûretés sont soumises à un régime juridique propre au droit des entreprises en difficulté afin de prendre en compte les intérêts des différentes parties en présence, que sont les créanciers et le débiteur mais aussi les garants de ce dernier. Ainsi, l’article L622-7 du code de commerce est modifié afin de permettre au juge-commissaire d’autoriser la constitution de toute sûreté réelle conventionnelle (article 15). C’est là, un nouvel accroissement des pouvoirs du juge-commissaire. Cela n’est néanmoins pas étonnant puisque, pour rappel, le juge-commissaire est la juridiction de droit commun en matière de procédures collectives, sauf lorsque la loi en dispose autrement. Par ailleurs, l’article L622-8 est modifié afin de prévoir désormais qu’en cas de vente d’un bien grevé d’une sûreté réelle spéciale ou d’une hypothèque légale au cours de la période d’observation, la quote-part du prix correspondant aux créances garanties est versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations (article 16).
Cette modification est également appliquée en présence d’un plan de sauvegarde ou de redressement arrêté par le tribunal. Autre point majeur et incontournable de cette ordonnance et il était attendu au vu de la jurisprudence récente (Cass. Com., 25 nov. 2020 n°19-11.525 pour ne pas la citer…) : l’extension de la règle de l’arrêt et de l’interdiction des procédures d’exécution au bénéficiaire d’une sûreté réelle constituée par le débiteur en garantie de la dette autrui (article 19). Ainsi, il faudra être vigilant car au 1er octobre 2021, « le jugement d’ouverture arrête ou interdit toute procédure d’exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture ». En outre, les conditions de déclaration de sûretés changent. En effet, la déclaration de créances prévue à l’article L. 622-25 du code de commerce doit dorénavant porter sur l’assiette de la sûreté et non plus seulement sur sa nature (article 20). De surcroît, la déclaration devra faire apparaître si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d’un tiers. Enfin, l’article L622-26 fait désormais obligation au bénéficiaire de cette garantie, de solliciter un relevé de forclusion, à défaut de déclaration régulière dans les délais (article 21). Ce même article 21 étend aux sûretés la sanction, prévue par l’article L. 622-26, de l’inopposabilité au débiteur en cas de défaut de déclaration. L’ordonnance ne fait pas que modifier des textes déjà en vigueur. Elle se permet même d’en ajouter. Ainsi voit le jour ce nouvel article L622-34 qui dispose que « Même avant paiement, les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent procéder à la déclaration de leur créance pour la sauvegarde de leur recours personnel. » Cette réforme a donc sensiblement bouleversé l’articulation entre le droit des sûretés et les procédures collectives. Néanmoins, ce changement ne semble pas dénué de sens. En effet, la jurisprudence avait d’ores-et-déjà précisé au fil du temps certaines articulations entre les procédures collectives et les sûretés. Au moins, désormais, certaines de ces règles prétoriennes sont entérinées.
Auteur
Maxime HARDOUIN – Juriste