L’estran désigne la bande de terres faisant partie du littoral recouverte par les marées hautes et découverte à marée basse, utilisée notamment pour le marnage des sols sur des terres cultivées. Le sens marin d’une telle disposition est une différence de dénivelé séparant le point haut et le point le plus bas du niveau de la mer en fonction de la marée. Il n’est pas rare, dans certaines iles notamment atlantiques, qu’un pont relie le continent à cette dernière et franchisse ainsi l’estran. Si un véhicule chute de ce pont et se trouve déposé par voie de conséquence sur l’estran, qui est la collectivité en charge de la gestion de ce domaine public ? Quelles sont les conséquences juridiques et financières d’une telle situation ? Il faut raisonner en appliquant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques et plus spécifiquement l’article L2111 – 4.
Cet article définit le domaine public maritime de l’État et indique qu’il concerne le sol et le sous-sol de la mer entre les limites extérieures et le rivage de la mer. Plusieurs décisions de justice ont eu à se prononcer sur la délimitation du rivage. Voyez notamment l’arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux, du 22 octobre 2020 rendu sous le numéro 18 BX01 379 au terme duquel la cour est venue préciser que les limites du rivage de la mer résultent des phénomènes naturels observés. Toute collectivité à la possibilité d’apporter la preuve que des parcelles sont ou non comprises dans les limites du domaine public maritime tel qu’elles sont définies par ces phénomènes naturels.
C’est un fait intéressant de constater que seule la nature dicte le droit dans cette hypothèse-là. Et le droit, s’agissant de la propriété de l’État, peut, en raison même des évolutions de la nature, se montrer capricieux. Au cas particulier, dès lors que, sur l’estran, la mer monte et descend, alors il est possible d’en délimiter le rivage. Ce même article L 2111-4 rappelle que le rivage de la mer est constitué par tout ce qu’elle couvre et découvre jusqu’où les plus autres mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles. Dès lors qu’il sera constaté que l’estran franchi par le pont n’est pas couvert et découvert, alors il sera possible par voie de conséquence de constater que le véhicule déposé à cet endroit l’est sur le domaine public maritime de l’État. Dans cette hypothèse, l’État aura à dérouler la procédure applicable et notamment le constat de la présence d’un véhicule sur le domaine public maritime de l’État, la contravention de grande voirie liée à la dégradation par le dépôt de ce véhicule privé de ses ressources de fonctionnement, et les poursuites adéquates.
Ce sont donc les articles L2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques qui seront appliquées pour permettre à l’État, ayant constaté la contravention de grande voirie, d’en tirer les conséquences en matière de sanctions pénales, mais également en matière de sanctions financières. Car le retrait du véhicule, s’il n’est pas opéré par l’auteur de la dégradation, à savoir ses propriétaires, pourra être fait aux frais avancés de ces derniers par l’État. En application du décret numéro numéro 2012 – 1 46 sur la comptabilité publique, l’État prendra alors un titre exécutoire pour constituer débiteur l’auteur du dépôt intempestif voire son assureur. Dans le cadre de l’article L124 – 3 du code des assurances, il est en effet possible d’agir directement contre l’assureur du véhicule concerné si toutefois son propriétaire fait défaut dans la prise en charge financière du retrait. Autant de notions entremêlées qui montrent combien il n’est pas toujours aisé de raisonner par rapport à cette hypothèse rare d’un véhicule déposé sur l’estran rocheux relevant du domaine public maritime de l’État…
Auteur
Thomas DROUINEAU