Dans un bail d’habitation, la surface habitable est une donnée importante qu’il est nécessaire de porter à la connaissance du locataire et d’inscrire au contrat de bail. (Cour de cassation, 3e chambre civile, 8 Février 2024 n° 22-24.833)
En cas d’absence de mention de la surface habitable ou en cas d’erreur entre la surface inscrite au bail et la surface réelle habitable, une diminution du loyer est susceptible d’être retenue à titre de sanction depuis la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, dite loi ALUR, qui est à l’origine de nombreux apports en matière de baux d’habitation.
La loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, dite loi Mermaz, dans sa version modifiée par la loi ALUR, énonce ainsi en son nouvel article 3-1 qu’en l’absence d’accord entre les parties sur la diminution de loyer proportionnée à l’écart de surface constaté, le locataire peut saisir le juge dans un délai de quatre mois à compter de la demande adressée au préalable au bailleur pour qu’il applique une diminution de loyer.
Il est désormais prévu une sanction légale pour les erreurs faites sur la surface habitable d’un logement loué, sous réserve pour le locataire d’agir dans les délais requis.
C’est à ce sujet et notamment concernant l’appréciation du respect des délais d’action que la Cour de cassation a rendu un arrêt le 28 février 2024.
En l’espèce, des propriétaires indivis ont loué un appartement à des locataires.
L’administrateur provisoire désigné pour gérer l’indivision a signifié aux locataires un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail en raison de diverses mensualités impayées.
Par la suite, cet administrateur a assigné les locataires sur le fondement de la clause résolutoire afin qu’ils soient expulsés et qu’ils règlent les loyers dus.
Ces locataires ont sollicité du juge, au titre d’une demande reconventionnelle, une diminution du loyer compte tenu de l’écart qu’ils avaient constaté entre la surface habitable du logement et celle mentionnée dans le contrat.
A la suite de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris en septembre 2022 accordant une diminution de loyer aux locataires, l’administrateur s’est pourvu en cassation.
Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle que le délai de saisine du juge en diminution du loyer est un délai de forclusion courant à compter de la demande faite au bailleur, et n’est donc pas susceptible d’interruption (Cass. 3e civ., 9 nov. 2022, n°21-19.212).
Et cette demande en justice en diminution de loyer est irrecevable dès lors qu’elle n’a pas été précédée d’une tentative de solution amiable entre les parties (Cass. 3e civ., 20 avril 2023, n°22-15.529).
De même, la demande est irrecevable si elle a été effectuée une fois le délai de quatre mois écoulé à compter de la demande faite au bailleur (Cass. 3e civ. 28-9-2022 n° 21-12.829).
Dans le cas où le bailleur aurait laissé s’écouler son délai de deux mois pour répondre à la demande du locataire, cela signifie que le locataire ne disposerait que de deux mois pour saisir le juge. A défaut, la saisine du juge serait effectuée hors délai.
En l’occurrence, la cour d’appel de Paris avait fait droit à la demande des locataires en leur accordant une diminution de loyer aux motifs que :
- D’une part, la différence de surface provenait de la nature de cave d’une partie des locaux loués, impropre à la location à usage d’habitation
- D’autre part, que la mission confiée à l’administrateur consistait à fixer la valeur locative des biens immobiliers indivis ce qui incluait le local loué
Dans un second temps, la Cour de cassation ne fait donc que confirmer ses positions antérieures en affirmant que l’action en diminution des loyers sollicitée en raison d’un écart de surface est irrecevable une fois le délai de forclusion de quatre mois écoulé.
C’est à juste titre qu’elle considère les motifs retenus par la cour d’appel de Paris comme n’étant pas de nature à écarter l’irrecevabilité de l’action en raison de la forclusion.
En conclusion, les sommes réclamées par l’administrateur provisoire au titre des arriérés locatifs doivent être fixées au regard des montants de loyer qui résultent du bail et non des loyers réduits proportionnellement à l’écart constaté puisque la demande en diminution est irrecevable.