Par un jugement du 1er octobre 2024, le Tribunal Judiciaire de Bordeaux a condamné le propriétaire d’une villa au Cap Ferret à la démolir.
En février 2017, un permis de construire a été délivré sur la commune de Lège-Cap-Ferret pour la démolition d’une maison et la réalisation d’une nouvelle construction, avenue de la Conche.
Sur déféré préfectoral, la juridiction administrative a annulé cette autorisation d’urbanisme en raison du risque lié à l’érosion de la zone.
La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rappelé à cette occasion que pour l’application de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme concernant les risques d’érosion ou de submersion marine, il appartient à l’autorité administrative d’apprécier, en l’état des données scientifiques disponibles, ces risques en prenant en compte notamment :
- la situation de la zone du projet au regard du niveau de la mer,
- sa situation à l’arrière d’un ouvrage de défense contre la mer,
- le cas échéant, le risque de rupture ou de submersion de cet ouvrage compte tenu de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion.
Or, dans cette affaire, la Cour a reconnu que :
- Le terrain d’assiette du projet est soumis à un phénomène d’érosion marine avéré et irréversible,
- Le scénario d’un recul du trait de côte de 50 mètres à l’horizon d’un siècle, soit la durée de vie moyenne du bâti, constitue le scenario le moins défavorable retenu dans les études,
- L’efficacité de la protection contre l’érosion censée être assurée par les ouvrages disposés sur le littoral n’est pas certaine en raison notamment de leur état d’entretien,
- Le terrain se situe à environ 20 mètres seulement du trait de côte,
- Aucun élément du dossier ne permet d’estimer que le terrain d’assiette du projet et le secteur environnant seraient exempts de tout risque d’effondrement soudain du sol dont la survenance est de nature à entraîner des conséquences graves pour les vies humaines.
Dans ces circonstances, la Cour administrative d’appel a jugé que la délivrance du permis de construire par le maire procède d’une erreur manifeste d’appréciation (voir sur ce point : CAA Bordeaux, 3 novembre 2020, n° 18BX04220, CE, 28 décembre 2021, n° 448340).
Néanmoins, dans l’intervalle, le bénéficiaire de l’autorisation avait fait édifier la construction.
Le Préfet a donc saisi le Tribunal Judiciaire d’une demande de démolition sous astreinte.
Après une analyse détaillée sur la possibilité, ou non, d’une régularisation de la construction édifiée, le Tribunal a notamment constaté que :
- Au mieux, le recul moyen est de 0,5 mètre par an, soit 15 mètres sur 30 ans, ce qui fait que la propriété se retrouverait à 5 mètres du trait de côte outre le risque de recul soudain lié aux évènements exceptionnels de 10 mètres supplémentaires,
- La racine du Mimbeau a déjà subi des brèches importantes,
- La présence d’un ouvrage en bon état d’entretien et la création d’une association syndicale autorisée sont insuffisantes pour être pris en compte comme formant la protection d’une zone géomorphologique homogène.
Finalement, après une analyse approfondie des études produites à l’instance, le Tribunal juge que la présence d’ouvrage de protection ne fait pas disparaître les risques à la fois d’érosion et de submersion sur la durée et, par conséquent, que le motif d’annulation du permis de construire n’est pas susceptible de régularisation.
La condamnation à démolir est prononcée sous astreinte.
Cette décision n’est qu’une illustration supplémentaire de l’impérieuse nécessité de prendre en compte le risque lié à l’érosion dans l’aménagement du territoire.
Plus que jamais, la commune risque de voir sa responsabilité engagée pour avoir délivré un permis de construire illégal.
TJ Bordeaux, 1er octobre 2024, n° 23/00893