Dans une décision du 3 juin 2020 numéro 414018, le conseil d’État est venu rendre une décision relative au banc d’Arguin, zone bien connue du bassin d’Arcachon.
Il s’agissait de demander l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du premier ministre rejetant la demande présentée le 28 juin 2017 d’annulation d’un décret du 10 mai 2017 portant extension et modification de la réserve nationale du banc d’Arguin.
Le conseil d’État se livre à une analyse exhaustive de la légalité tant externe qu’interne du décret attaqué.
Il rappelle que la réserve naturelle du banc d’Arguin est située au large de la côte, dans la mer territoriale, et fait partie du domaine public maritime de l’État en application de l’article L2111 – 4 du code général de la propriété des personnes publiques.
Il est intéressant de rappeler le premier enseignement de cet arrêt qui fait le départ entre ce qui procède du domaine public maritime de l’État et ce qui relève de la responsabilité des communes.
Le conseil d’État rappelle en effet que la commune de La Teste de Buch n’est pas propriétaire ni titulaire de droits réels dans la réserve naturelle du banc d’Arguin, raison pour laquelle son opposition à l’extension de la réserve n’impliquait pas l’intervention d’un décret en conseil d’État.
C’est la différence entre ce qui relève de la responsabilité de l’État au titre du domaine public maritime, et ce qui relève de la responsabilité des communes.
L’enseignement de cette décision est en réalité ce qui procède des modalités de classement d’une réserve naturelle nationale.
Sont rappelées les dispositions de l’article L332 – 1 du code de l’environnement selon lesquelles des parties du territoire terrestre ou maritime d’une ou de plusieurs communes peuvent être classées en réserve naturelle lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux de fossiles, en général du milieu naturel, présente une importance particulière ou qu’il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader.
On voit bien l’objet de cet article qui est d’éviter que des appétits féroces s’intéressent aux ressources naturelles et engendrent des dégradations irréversibles.
Le conseil d’État déduit de ces dispositions que peuvent être classées en réserve naturelle nationale les parties du territoire au sein desquelles la conservation des espèces et du milieu naturel revêt une importance écologique et scientifique particulière.
Il ajoute toutefois que les zones qui contribuent directement à la sauvegarde de ces parties du territoire, en particulier lorsqu’elles en constituent d’un point de vue écologique une extension nécessaire, ou qu’elles jouent un rôle de transition entre la zone la plus riche en biodiversité et le reste du territoire, peuvent également être classées en réserve naturelle nationale.
C’est un point de vue extrêmement intéressant car, de fait, il conduit à une extension du périmètre des réserves naturelles nationales.
Si l’on y trouve un cœur, la zone la plus riche sur les aspects faunistiques et floristiques, le conseil d’État admet au visa de l’article L 332-1 du code de l’environnement, qu’il est possible d’instaurer une sorte de glacis, une zone de défense qui, moins riche sur les aspects faunistiques et floristiques, contribue cependant directement à la sauvegarde de ces parties du territoire.
C’est un point de vue extrêmement pragmatique que l’on ne peut que saluer.
Au visa de cette analyse, le conseil d’État rejette la demande d’annulation considérant que le décret est parfaitement régulier.
L’association avait pourtant soulevé plusieurs moyens intéressants, notamment celui qui considérait que l’article 17 du décret attaqué, interdisant du coucher au lever du soleil le stationnement et la circulation des personnes de quelque manière que ce soit y compris à pied sur l’estran, méconnaissait les dispositions de l’article L332 – 3 et était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il interdisait la pratique nocturne de la pêche à la ligne dans les vagues, pratiquée depuis les rochers, les plages et les digues, alors que ces pratiques seraient sans danger pour la faune aviaire.
Le conseil d’État retoque cette analyse, considérant qu’il ressort des pièces du dossier que cette interdiction est justifiée non pas par les prélèvements piscicoles des pêcheurs, mais par les effets de la présence humaine sur les espèces émergées.
Il n’y aura donc plus dans la zone concernée de pêche nocturne à la ligne dans les vagues.
Il n’y aura pas non plus de mouillages des navires puisque l’interdiction et la limitation du mouillage des navires, édictées par l’article 19 du décret attaqué est maintenue.
Le conseil d’État estime qu’il ne s’agit pas d’une discrimination en faveur des plaisanciers les plus proches de la réserve nationale ni même que cela implique des conséquences disproportionnées sur l’activité touristique.
Là encore, le conseil d’État rappelle que c’est bien la présence humaine et ses conséquences sur l’avifaune qui imposent d’assurer sa quiétude dans l’ensemble de la réserve.
L’interdiction et la limitation du mouillage concernent tous les plaisanciers, quelle que soit la proximité de leur lieu de mouillage avec le périmètre de la réserve nationale.
Les oiseaux et les poissons peuvent dormir tranquilles, il n’y aura ni pêcheurs ni bateaux à l’ancre dans la réserve naturelle nationale du banc d’Arguin.
L’analyse pertinente du conseil d’État mériterait d’être largement développée, pour permettre que les réserves nationales ne soient pas dans leur frontière limitées aux zones les plus riches, mais étendues à ces zones qui, en bordure, assurent une protection efficace des milieux les plus riches et les plus fragiles.
Thomas Drouineau
Avocat associé
DROUINEAU 1927