Dans une espèce intéressante, la cour d’appel de Montpellier vient de rendre une décision tout aussi instructive.
Les faits sont les suivants :
Le 22 mai 1995, l’établissement public « France Telecom » régularisait auprès de l’établissement public « La Poste » une convention d’occupation du domaine public pour une durée de 30 ans devant se terminer le 31 décembre 2023 pour 564,73 m² de bureaux.
France Telecom est devenu en 1996 une société anonyme, et un avenant a été signé entre la SA France Telecom et la Poste afin de prendre acte du transfert de plein droit au 31 décembre 1996 des biens droits et obligations de cette personne morale à la nouvelle entité de droit privé.
Par acte du 29 décembre 2009, la SA France Telecom vendait l’immeuble comprenant les locaux litigieux à la société « Méditerranée immobilier ».
Une SCI, venant désormais au droit de cette société, notifiait le 22 juin 2007 son intention de mettre fin à la convention d’occupation précaire de 1995, estimant qu’en raison des activités de la Poste en tant que banque postale et de la Caisse d’épargne qui souhaitait reprendre les locaux pour y créer une nouvelle agence, de fait en concurrence directe, la situation correspondait à une « raison impérieuse » visée à l’article 3 de la convention, autorisant une reprise anticipée.
La Poste contestait cette mention et l’éviction dont elle devait être l’objet.
Les locaux occupés par la Poste faisaient partie du domaine public de France Telecom à la date de la signature de la convention d’occupation.
Il s’agissait donc nécessairement d’une convention précaire et temporaire.
Toute la question était de savoir si, passés dans le domaine privé, les locaux pouvaient être concernés non plus par une convention d’occupation temporaire du domaine public, mais par une convention d’occupation du domaine privé s’apparentant à un bail commercial.
La Cour statue expressément sur la caducité et la nature de la convention.
Elle analyse de manière très fine la convention et ses conditions d’application dans le temps.
Les parties indique-t-elle, conviennent que la convention précaire établie le 22 mai 1995 entre l’établissement public France Telecom et celui « tout autant public » la Poste a date certaine, et à ce titre est opposable à la SCI, pour avoir été dûment enregistré à la recette des impôts de Montpellier ouest.
De même, ajoute-t-elle, les locaux occupés par la Poste faisant alors partie du domaine public de France Telecom à la date de la signature de la convention d’occupation, seule une convention précaire et temporaire pouvait exister, laquelle exclut implicitement l’application des dispositions relatives au statut des baux commerciaux.
Après que France Telecom soit devenue une société anonyme, un avenant a été régularisé le 21 avril 1997 entre la SA France Telecom et l’établissement public La Poste, qui a consacré le transfert de propriété entre l’ancien établissement public France Telecom et la nouvelle société anonyme, « tous les autres termes du contrat étant inchangés ».
La Cour en conclut que la convention initiale du 22 mai 1995 et cet avenant forment un tout indivisible dont le sort ne saurait être dissocié, « les deux actes procédant toujours d’une économie commune. »
Et d’en déduire que la SCI nouvellement propriétaire est inopérante à solliciter la caducité de la convention du 22 mai 1995 par suite du déclassement de l’immeuble dont s’agit, et à se prévaloir notamment du caractère « illégitime » des motifs de précarité à la date de cette convention, tout en revendiquant la requalification de l’avenant du 21 avril 1997 en une nouvelle convention de bail qui relèverait désormais du statut des baux commerciaux.
Pour fonder une telle analyse, la Cour estime que « la décision de déclassement du bien comprenant les locaux occupés par la Poste et leur transfert en pleine et entière propriété à la société France Telecom devenue société de droit privé, ne peut avoir affecté la nature de la convention d’occupation précaire, alors qu’aux termes, ni de l’avenant précité, ni de dispositions ultérieures, aucune des parties n’a entendu nover leurs relations, une telle intention ne pouvant se présumer. »
Il y a là une analyse extrêmement intéressante qui fait de la convention d’occupation précaire sur le domaine public, devenu convention sur le domaine privé, un Phénix juridique.
Cette convention, insubmersible, dès lors qu’aucune des parties n’a entendu la faire évoluer, reste une convention d’occupation précaire du domaine public, même si la domanialité change de sens en quelque sorte.
Tout procède du contrat, et seule une intention clairement exprimée des parties peut avoir pour effet de faire évoluer la nature de la convention d’occupation précaire et révocable du domaine public.
L’on ne peut qu’être reconnaissant au juge judiciaire d’avoir, dans une analyse civiliste de la convention, parfaitement identifié l’intention des parties, et rappelé que les contrats, qu’ils se déroulent sur le domaine public ou sur le domaine privé, procèdent d’abord d’une commune intention des parties. »