La prise en compte impérative des risques naturels dans l’instruction des autorisations d’urbanisme.
Tempêtes, incendies, inondations, érosion du littoral : les évènements climatiques de grande ampleur se multiplient et leurs conséquences s’aggravent.
Les illustrations du dérèglement climatique sont quotidiennes, et les services instructeurs sont plus que jamais dans l’obligation de prendre en compte les risques naturels et leurs conséquences avant de délivrer une autorisation d’urbanisme.
Le risque est la combinaison de :
- la probabilité qu’un événement défavorable (aléa) se produise,
- la vulnérabilité des enjeux (personnes, biens, activités et environnement) qui y sont exposés.
Certaines communes sont dotées de plans de prévention des risques dont les prescriptions sont directement opposables aux autorisations d’urbanisme (article L. 562-1 du code de l’environnement, CE, 22 juillet 2020, n°426139).
Néanmoins, les communes qui ne sont pas dotées d’un tel document ont également l’obligation de prendre en compte les risques naturels existants.
Cette prise en compte s’opère sur le fondement des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme lequel dispose que : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. ».
Cette notion doit être utilisée dès lors que le projet est exposé à un risque ou viendrait aggraver un risque existant.
Il est donc primordial d’avoir connaissance des risques sur sa commune : le service instructeur pourra se baser sur des études techniques, des données historiques connues etc.
Par exemple, a été jugé que : « il ressort des pièces du dossier, et notamment de la carte du risque d’inondation par les nappes d’eau souterraines établie en 2003 par la Direction régionale de l’environnement de Basse-Normandie, que le terrain d’assiette de la construction projetée sur le territoire de la commune d’Ussy, au lieu-dit Le Marais, est situé dans une zone d’aléa très fort où des débordements de nappes phréatiques ont été observés ; qu’il suit de là, alors même que les requérants soutiennent, au demeurant sans l’établir, que leur terrain ne serait pas situé au-dessus d’une nappe phréatique et que relèvent que ce même terrain figure dans la zone UC du plan d’occupation des sols communal, que le maire d’Ussy a pu légalement, sur le fondement des dispositions précitées de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, opposer un refus à la demande de M. et Mme X tendant à obtenir l’autorisation de construire sur une maison d’habitation sur ce terrain. » (CAA Nantes, 28 décembre 2006, n°05NT01976)
Très récemment, le Tribunal administratif de Toulon a validé un arrêté de refus de permis de construire un immeuble de 5 logements fondé sur le fait que le projet de construction aura des effets sur la ressource en eau dont la faible capacité est de nature à avérer un risque pour la santé et la salubrité publique.
Dans cette espèce, une étude menée par la communauté de communes révélait une insuffisance des ressources en eau à très court termes en raison de l’assèchement de deux forages et du faible niveau du troisième.
Le Tribunal confirme l’analyse du service instructeur en indiquant que le projet de construction, qui exposait les futurs occupants mais également des tiers au projet, est de nature à porter atteinte à la salubrité publique au sens des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.
Ce jugement est une illustration supplémentaire de l’importance d’avoir une connaissance précise des phénomènes et risques naturels afin d’adapter l’aménagement du territoire aux enjeux d’aujourd’hui et de demain.
Ces enjeux sont ceux de la responsabilité future des collectivités.
On connaît déjà les logiques de responsabilité en matière d’urbanisme.
Nul doute que ces nouvelles occurrences viendront s’y ajouter, ce qui implique une prudence accrue dans la gestion des autorisations d’urbanisme, en lien avec une approche patrimoniale pour les collectivités.
TA Toulon, 23 février 2024, n°2302433