La notion de conseiller intéressé est un sujet utilisé par bon nombre de requérants aux fins d’annulation d’une délibération.
L’article L. 2131-11 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose :
« Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. En application du II de l’article L. 1111-6, les représentants des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales mentionnés au I du même article L. 1111-6 ne sont pas comptabilisés, pour le calcul du quorum, parmi les membres en exercice du conseil municipal. »
Il s’évince de cet article qu’un conseiller municipal ne peut pas participer à une affaire qui le concerne personnellement.
Dans l’hypothèse où un conseiller intéressé participe à l’affaire, le principe d’impartialité auquel il est tenu, est méconnu.
Effectivement, l’article L. 1111-1-1 du CGCT dispose :
« Les élus locaux (…) exercent leur mandat dans le respect des principes déontologiques consacrés par la présente charte de l’élu local.
Charte de l’élu local
- L’élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité. (…) »
Ainsi, conformément à la Charte de l’élu local, le conseiller municipal ne doit pas favoriser un parti au détriment de l’autre.
A défaut, ce comportement peut entraîner l’illégalité d’une délibération.
Une délibération est illégale si deux conditions sont réunies :
-l’élu a un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants (Conseil d’État, 1er juillet 2019, n° 410714) ;
-l’élu a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération (Conseil d’État, 12 octobre 2016, n° 387308).
En ce sens, il est jugé que la participation d’un conseiller intéressé aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération ne sera susceptible d’entraîner son illégalité que s’il apparaît que le conseiller municipal intéressé a été en mesure d’exercer une influence sur le résultat du vote de la délibération (Conseil d’État, 12 octobre 2016, n° 387308).
Dans un jugement du Tribunal administratif de Nantes, 1re ch., 9 janv. 2024, n° 2008928, le juge a été amené à se pencher, une nouvelle fois, sur cette notion, concernant la délibération portant approbation de la révision du plan local d’urbanisme et rappelle « que la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération d’un conseiller municipal intéressé à l’affaire qui fait l’objet de cette délibération, c’est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l’illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d’une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération. Cependant, s’agissant d’une délibération déterminant des prévisions et règles d’urbanisme applicables dans l’ensemble d’une commune, la circonstance qu’un conseiller municipal intéressé au classement d’une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n’est de nature à entraîner son illégalité que s’il ressort des pièces du dossier que, du fait de l’influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel. »
Néanmoins, le juge administratif considère que la seule présence du conseiller intéressé à l’affaire, sans participer au vote, ne suffit pas entacher d’illégalité la délibération (Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 20/02/2020, p. 884).
Il ressort de cette réponse ministérielle qu’il n’existe pas d’interdiction relative à la présence d’un conseiller intéressé à une délibération, même si en pratique, cela est déconseillé.
Le maire doit alors, au titre de son pouvoir de police de l’assemblée, veiller à ce qu’il ne participe ni au débat, ni au vote.
En outre, la participation à une délibération d’un conseiller intéressé, en situation de conflit d’intérêts peut fonder un délit de prise illégale d’intérêts.
En effet, l’article 432-12 du Code pénal dispose que :
« Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. »
Cette infraction est caractérisée dès lors qu’il est constaté un acte d’ingérence dans une entreprise ou une opération compromettant les exigences de neutralité qui s’imposent à l’action publique et que l’élu intéressé a pris sciemment un intérêt dans une affaire soumise à son contrôle ou sa surveillance.
En ce sens, il est jugé que le délit de prise illégale d’intérêts peut être constitué lorsque l’élu participe aux seules étapes du processus de décision (Cour de cassation, chambre criminelle, 5 avril 2018, n° 17-81.912) ou à une réunion informelle (Cour de cassation, chambre criminelle, 20 janvier 2021, n° 19-86.702).
Enfin, il est nécessaire de revenir brièvement sur la Charte de l’élu local.
La Charte de l’élu local énonce sept principes déontologiques, dont notamment : « dans l’exercice de son mandat, l’élu local poursuit le seul intérêt général, à l’exclusion de tout intérêt qui lui soit personnel, directement ou indirectement, ou de tout autre intérêt particulier » (principe 2) et « veille à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts. Lorsque ses intérêts personnels sont en cause dans les affaires soumises à l’organe délibérant dont il est membre, l’élu local s’engage à les faire connaître avant le débat et le vote. » (principe 3).
Ce sont des devoirs auxquels sont tenus les conseillers municipaux.
En précisant que la formule « Veille à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts. » doit être entendu comme l’obligation pour le conseiller intéressé de se retirer de l’affaire qui le concerne.
Ainsi, les élus doivent se montrer attentif aux projets sur lesquels ils doivent travailler, débattre, et voter, en n’hésitant pas, même en cas de doute, à se retirer.
« Il vaut mieux prévenir que guérir ! »