Donations déguisées et donations indirectes ont pour points communs d’être aussi peu portées dans le cœur de l’administration fiscale qu’elles retiennent à la fois toute son attention. Parfois confondues, leur traitement par les services fiscaux qui les décèlent est cependant très différent.
Donations déguisées et donations indirectes : comment les distinguer ?
Toute donation procède de la réunion des trois critères de l’article 894 du Code civil, à savoir un dépouillement irrévocable du donateur, son intention libérale, et l’acceptation du donataire.
Il existe cependant des donations qui ne revêtent pas la forme de cet acte, mais qui pour des raisons souvent fiscales empruntent celle d’un acte à titre onéreux.
C’est le cas notamment de la vente conclue à des conditions normales, mais dont les parties conviennent en secret que le prix ne sera jamais payé. Cela renvoie aussi par exemple à l’hypothèse de la vente dont le prix est effectivement acquitté, mais qui est sous-évalué par comparaison avec la valeur réelle du bien. Dans le premier cas, les droits de mutation à titre gratuit sont purement et simplement éludés, tandis que dans le second, ils sont atténués proportionnellement à la minoration de la base imposable.
C’est précisément dans le critère de la dissimulation que réside la différence entre les donations déguisées et les donations indirectes :
La donation déguisée est le résultat d’un mensonge : acte de vente stipulant un prix dont les parties conviennent qu’il ne sera jamais réglé, acte de reconnaissance de dette par lequel une personne se reconnaît être débitrice d’une créance qui n’existe pas, etc. ;
La donation indirecte relève plutôt d’un silence : prix d’une vente effectivement acquitté bien que sous-évalué, créance bien réelle mais qui fait l’objet d’une remise de dette, etc.
Dans un cas comme dans l’autre, se retrouve en revanche l’intention du donateur d’accorder un avantage patrimonial au donataire. De plus, une libéralité déguisée en un autre acte échappera au rapport des donations antérieures dans la succession de la personne qui l’aura consentie : la réserve de ses autres héritiers et l’équilibre successoral en seront alors affectés.
Difficile à relever dans certains cas, l’intention libérale sera souvent démontrée par la réunion d’indices évocateurs : l’âge avancé ou l’état maladif du donateur, ses liens de parenté, d’alliance ou d’affection avec le donataire, sa situation de fortune, etc.
Raison d’être de la distinction : le traitement fiscal et successoral des donations déguisées et des donations indirectes
Dans les deux hypothèses, les actes litigieux continueront de produire leurs effets.
L’administration fiscale sera cependant en droit d’écarter la qualification que leur auront donnée les parties, pour retenir celle de donation.
Fiscalement, des droits de mutation à titre gratuit seront ainsi rappelés, intégralement en matière de donations déguisées, et sur la différence de valeur constatée en matière de donations indirectes.
Ces droits seront dus pour un taux susceptible d’atteindre jusqu’à 60% de la valeur du bien transmis, après application d’un abattement fiscal fonction des liens familiaux entre les parties et de l’existence d’autres donations consenties entre elles dans les quinze années précédentes.
Le caractère mensonger de la donation déguisée permettra en outre à l’administration fiscale d’engager une procédure d’abus de droit, et d’assortir les droits rappelés :
D’une majoration de 80% de leur montant (40% si elle n’établit pas que le donataire a été le principal bénéficiaire de la donation ou qu’il en a eu l’initiative principale) ;
D’intérêts de retard au taux de 0,20% des droits par mois de retard.
De plus, les donations déguisées et les donations indirectes pourront être rapportées à la succession du donateur.
L’intention libérale a donc un prix, lequel peut s’avérer très coûteux lorsqu’elle ne s’assume pas comme telle.
Bastien Contat
DROUINEAU 1927
Avocat