La gestion du domaine public supporte-t-elle les servitudes conventionnelles de droit privé ?

Actualités juridiques Drouineau 1927

La gestion du domaine public supporte-t-elle les servitudes conventionnelles de droit privé ?

Autres actualités

Bail commercial sur le domaine public irrégulièrement déclassé

Le bail commercial est aux yeux de nombreux professionnels du droit, ou des affaires, l’outil unique propre à permettre le développement d’un fonds de commerce. Sur des propriétés publiques, il ne peut cependant être conclu...

La tempête Kirk

Le recul du trait de côte les tempêtes événementielles : la tempête Kirk. La tempête Kirk qui balaie actuellement la France, concerne 30 départements dont une immense majorité de départements littoraux. Des pluies remarquables voire...

Que peut faire une commune des parcelles abandonnées sur sa commune ?

Des propriétaires absents depuis de longues années, de la végétation à perte de vue, des voisins se plaignant de l’état d’abandon des parcelles auprès de la commune… Quels sont les outils juridiques dont dispose la...

ZAN et recul du trait de côte

Pour concilier l’objectif ZAN et les politiques d’adaptation au recul du trait de côte, il est prévu une méthode de calcul particulière pour les communes inscrites au décret-liste. Comment allier l’adaptation au recul du trait...

Annulation de la stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte Occitanie

La Cour administrative d’appel de Toulouse rappelle le rôle des stratégies régionales de gestion intégrée du trait de côte : un document d’orientation qui ne fixe pas de prescriptions règlementaires. En 2018, le préfet de la...

L’intégration de voies privées ouvertes à la circulation publique dans le domaine public routier

Le transfert des voies privées ouvertes à la circulation publique est expressément prévu par les dispositions du code de l’urbanisme, article L318 – 3. Ce texte dispose : « La propriété des voies privées ouvertes à la...

L’étude CEREMA

Projection du trait de côte et analyse des enjeux au niveau national – février 2024 Le CEREMA est un établissement public sous la tutelle du ministère de la transition écologique et la cohésion des territoires....

Érosion littorale : L’exemple du département de Charente-Maritime

Dans la gestion du trait de côte, et dans la gouvernance adaptée à cette situation, les collectivités ont leur place, avec toutefois une approche a priori minorée pour le département. Le département, en tant que...

L’érosion côtière : les cartes locales d’exposition au risque

Faire face au recul du trait de côte engage, nous le savons, un grand nombre de questions juridiques évidemment, mais d’abord et avant tout des enjeux humains et sociaux. L’érosion côtière, perte progressive de sédiments...

Recours en annulation contre les cartes d’aléas

Le Conseil d’État a tranché : les cartes d’aléas établies par l’État ou pour son compte sont des actes faisant grief, susceptibles de recours. Cette position est bienvenue lorsque l’on connaît les effets de ce type...

En découvrir plus sur le cabinet Drouineau 1927

Toutes les actualités

La gestion du domaine public supporte-t-elle les servitudes conventionnelles de droit privé ?

Il est intéressant de regarder les jurisprudences parfois plus anciennes qui commentent des dispositions antérieures du droit de la domanialité publique.

C’est le cas de cette décision du conseil d’État du 14 décembre 2011 rendue sous le numéro 337 824 aux termes de laquelle la commune de Marcillac la Croisille, située dans le département de la Corrèze, a vu la requête de l’un de ses administrés rejetée.

Il s’agissait du propriétaire d’un château jouxtant la place de la mairie de la commune qui revendiquait la démolition de deux murets érigés en vue de l’aménagement de cette place.

Il rappelait qu’une servitude « non aedificandi » (interdiction de construire) illimitée dans le temps avait été consentie par la commune dans l’acte de vente de la parcelle correspondant à la place de la mairie signée le 1er mai 1880 avec le grand-père du propriétaire actuel du château.

Demandant la démolition de ce mur, le propriétaire du château, descendant dudit grand-père, avait vu sa demande rejetée par la commune, refus qu’il avait déféré au tribunal administratif de Limoges puis à la cour administrative d’appel de Bordeaux.

Cette dernière avait confirmé le jugement du tribunal administratif de Limoges rejetant la requête.

Le conseil d’État livre une analyse fort intéressante en tant qu’elle est centrée sur les dispositions antérieures à l’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques.

Il conclut qu’antérieurement à la date d’entrée en vigueur de ce code, dont on rappelle qu’il s’agit du 1er juillet 2006, il résultait des principes de la domanialité publique que les servitudes conventionnelle de droit privé pouvaient être maintenues sur une parcelle appartenant au domaine public à la double condition d’avoir été consentie antérieurement à l’incorporation de cette parcelle dans le domaine public et d’être compatible avec son affectation.

Ces règles, issues des « principes de la domanialité publique » interdisent qu’il puisse être consenti sur une dépendance du domaine public une servitude conventionnelle de droit privé.

Le Conseil d’Etat statue régulièrement sur ces sujets, et notamment dans une décision éclairante mentionnée dans les tables du recueil LEBON en date du 26 février 2016 sous le numéro 383 935, la servitude de passage revendiquée  étant  » en tout état de cause, incompatible avec l’affectation de la dépendance du domaine public qu’elle grèverait au service public de l’éducation, dès lors, d’une part, que son usage risquerait de perturber le déroulement des activités pédagogiques, d’autre part, qu’elle ferait peser un risque sur la sécurité de l’établissement en rendant difficile le contrôle des flux entrants et sortants du lycée ; « 

Le conseil d’État, ayant rappelé l’état antérieur du droit et les principes de la domanialité publique, examine alors la compatibilité de l’existence de cette servitude conventionnelle de droit privée avec l’affectation du domaine public.

L’article L 2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques rappelle cette notion d’affectation du domaine public, et l’obligation qui est faite de la respecter dans l’utilisation et l’occupation du domaine public.

En omettant de rechercher cette compatibilité la cour d’appel avait commis une erreur de droit.

Le conseil d’État considère, à l’examen précis de la servitude de 1881 que cette dernière n’avait d’autre objet que d’interdire de masquer la vue du château ou d’en rendre l’accès plus difficile.

Et il considère, son mètre à la main, que les murets édifiés, d’une hauteur de 50 cm, disposés en face de la propriété ne peuvent avoir pour effet de masquer la vue. Il ajoute que la distance de 6 mètres qui sépare les murets du portail d’entrée du château n’en gênent pas l’accès.

Ainsi, il n’y a ni gêne sur la vue ni gêne sur l’accès au château, la servitude conventionnelle de droit privé consentie sur le domaine public n’ayant de la sorte pas été méconnue.

Lecture intéressante car historique et pratique, qui montre que plusieurs décennies après leur constitution, les servitudes conventionnelles de droit privée consenties par acte authentique avant le 1er juillet 2006 gardent toute leur pertinence, même sur le domaine public, lorsqu’elles sont bien rédigées.

Thomas Drouineau
DROUINEAU 1927
Ancien Bâtonnier
Avocat spécialiste en droit public