La loi numéro 2021 – 1837 du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles est venue amender de manière significative l’indemnisation au titre de la sécheresse. En cette période de canicule et de sécheresse que nous vivons, il n’est pas inutile de nous intéresser rapidement aux quelques changements majeurs ainsi apportés. L’objet de la loi est l’amélioration et l’accélération de l’indemnisation des victimes ainsi qu’un apport sur la transparence des procédures. Deux axes par conséquent qu’il convient d’étudier rapidement. 1 – Sur la transparence des procédures. Il est vrai qu’au cours de ces années passées, la commission interministérielle de reconnaissance de l’État de catastrophes naturelle, créé en 1984 par une circulaire, fonctionnait de manière particulièrement nébuleuse. Pourtant, nous savons que son avis était quasi systématiquement pris en compte par le gouvernement, les arrêtés prescrivant ou refusant l’état de catastrophe naturelle étant très largement pris en considération de cet avis. Très peu d’informations filtraient quant aux modalités selon lesquelles l’avis avait été porté, pris, préparé. Ce caractère nébuleux ne participait évidemment pas à l’acceptation par les sinistrés de telles positions, et des juridictions administratives ont eu largement à connaître de contentieux élevés contre les arrêtés pris en application d’un avis qui bien souvent ressemblait à une situation de compétence liée. Désormais, l’existence de cette commission est inscrite dans la loi. Et son travail est décrit de manière beaucoup plus précise puisqu’elle doit établir un rapport annuel qui présente un bilan synthétique des avis rendus et un état des référentiels retenus. Il s’agit d’exposer comment la commission travaille, et de quelle manière elle apprécie l’intensité anormale des phénomènes naturels dont elle étudie les conséquences. Les communes principalement, mais les sinistrés également, pourront ainsi mieux comprendre la nature des avis. Pour améliorer encore la transparence de cette procédure, une commission nationale consultative des catastrophes naturelles est créée, composé d’élus locaux et d’associations de sinistrés. Elle devra, de manière indépendante, émettre un avis sur les critères retenus par la commission interministérielle pour prononcer ou refuser de prononcer l’état de catastrophe naturelle. Gageons qu’elle ne se comportera pas comme le craint Clémenceau qui disait, on le sait : « quand on veut enterrer une décision, on crée une commission ». Car cette commission doit se prononcer dans le cadre d’un avis sur les modalités d’indemnisation des sinistrés. La publicité du travail de cette commission sera assurée de telle sorte que son travail puisse être connu, et mieux appréhendé. Un effort est donc fait de manière significative par la loi du 28 décembre 2021 sur l’information des élus locaux et des sinistrés, la transparence des procédures. Pour les élus, c’est, en préfecture, un référent CAT NAT qui sera nommé pour gérer les conséquences de catastrophes naturelles, informer les élus et les accompagner dans leurs démarches. Ce référent aura également une mission de prévention et de traitement des situations de catastrophe naturelle avec la commission départementale des risques naturels majeurs. Il pourra également dans le cadre de l’utilisation du fonds de prévention des risques naturels majeurs dit » fonds Barnier » travailler sur l’évolution des zones exposées aux phénomènes de sécheresse réhydratation des sols. Il y a donc là une logique d’information, mais également une logique d’anticipation, tout à fait indispensable. Il reste à espérer que ce référent sera effectivement muni des moyens humains, matériels, techniques et financiers pour accomplir cette mission particulièrement large et ô combien importante. 2 – Sur l’amélioration et l’accélération de l’indemnisation des victimes. Des mesures techniques sont mises en œuvre qui passent par le délai de dépôt d’un dossier de demande de reconnaissance de l’état de catastrophes naturelle par les communes, lequel est allongé de 18 à 24 mois après la survenance de l’événement. Le délai de publication au journal officiel de l’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle est abaissé de 3 à 2 mois à compter du dépôt des demandes des communes. Le troisième alinéa de l’article L 125-1 du code des assurances est ainsi libellé : » Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises. Sont également considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, et pris en charge par le régime de garantie associé les frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées dont la résidence principale est rendue impropre à l’habitation pour des raisons de sécurité, de salubrité ou d’hygiène qui résultent de ces dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel. Les modalités de prise en charge de ces frais sont fixées par décret. » Enfin un délai d’1 mois maximum est fixé à l’assureur entre la réception de la déclaration de sinistre ou la date de publication de l’arrêté reconnaissant l’état de catastrophe naturelle et l’information de l’assuré sur la mise en jeu des garanties et du lancement si nécessaire d’une expertise. L’assureur disposera également d’un délai de 3 mois dès lors qu’il disposera de l’état estimatif ou du rapport d’expertise pour attribuer une indemnisation ou une réparation en nature. Enfin, dès lors qu’il aura reçu le parfait accord de l’assuré, l’assureur disposera d’un délai de 21 jours pour verser l’indemnisation. Il pourra également missionner directement une entreprise et disposera pour cela d’un délai d’1 mois. Heureusement, le texte n’impose rien aux assureurs en ce qui concerne la réalisation des travaux, car ils seraient alors très dépendants des modalités d’intervention des entrepreneurs dont on sait aujourd’hui toute la difficulté. La question est également posée du rapport contractuel qui va être noué. À lire le texte l’on comprend que l’entreprise missionnée deviendra le cocontractant de l’assureur avec tous les risques que cela comporte en matière de responsabilité. Les frais de relogement d’urgence des sinistrés de catastrophes naturelles devront être intégrés à l’indemnisation de même que le remboursement du coût des études géotechniques rendues préalablement nécessaires pour la remise en état des constructions affectées par les effets d’une catastrophe naturelle. Ces mesures qui s’appliqueront à partir du 1er janvier 2023, devront être précisées par décret. Il s’agit là d’un point très important car nous savons, sur les pathologies qui interviennent après réparation d’un sinistre catastrophe naturelle, que la question de maîtrise d’œuvre est bien souvent en jeu et qu’il est fait reproche à l’assureur de ne l’avoir pas financée. Il est regrettable à cet égard qu’une mention spécifique relative à la mission de l’architecte ou d’une équipe de maîtrises d’œuvre n’est pas été détaillée. Cela signifie que, si les études géotechniques doivent être comprises dans l’indemnisation, rien n’est dit sur l’intervention d’une équipe de maîtrises d’œuvre. La question de la responsabilité des experts d’assurances dont les assureurs s’attachent les services, et qui assurent une mission détaillant l’indemnisation proposée, reste entière. S’agit-il de préconisations techniques voire de maîtrise d’œuvre ? De plus en plus d’exemples d’actions en responsabilité d’assureurs contre leurs experts illustrent la difficulté de cette définition. Il est dommage que la loi n’ait pas définitivement réglé cette question. Enfin, il est indiqué que les indemnisations dues au titre de ces sinistres devront permettre de financer « la remise en état des constructions affectées par les effets d’une catastrophe naturelle », ainsi que le précise l’article L 125 – 4. Il s’agit d’un point majeur, car les assureurs sont bien souvent recherchés en responsabilité du fait de la réitération des désordres. Les assureurs invoquent alors l’intervention d’un maître d’œuvre ou des entrepreneurs. Seront-ils, désormais, responsables de toute réitération des désordres dès lors que, s’agissant d’une assurance de choses, cette réitération démontrerait simplement l’inefficacité de l’action du contrat ? Il s’agirait en réalité d’une forme de présomption de responsabilité à l’image de ce que l’on peut voir en matière de responsabilité civile décennale, pourtant assurance de responsabilité. Dans l’assurance de choses, et par analogie d’ailleurs avec ce que l’on observe en matière de dommage ouvrage, l’assureur catastrophe naturel devra payer, quel qu’en soit le coût, jusqu’à ce que la solidité totale de l’immeuble soit assurée. À la défaveur de ce que l’on observe en matière de sécheresse, de réhydratation et de dessiccation des sols, il y a là un enjeu majeur pour les assureurs comme pour les assurés. Nul doute que, malheureusement, le coût des primes d’assurance en matière de multirisque habitation progresse inéluctablement, le risque ayant très largement changé de périmètre. Cet effet de la loi me semble inéluctable, dès lors que notamment, au titre de l’article 125 – 3, les contrats mentionnés à l’article L 125 – 1 sont réputées, nonobstant toute disposition contraire, contenir la clause mentionnée à l’article L 125 – 1 sur le périmètre de la garantie. Il est encore indiqué que des clauses type réputées écrites dans ces contrats, sont déterminées par arrêté. La loi impacte donc de plein fouet les contrats en cours, et élargit leur périmètre alors pourtant que la prime d’assurance n’est pas en corrélation avec un tel risque. Il y a là de nouveaux effets de la loi qu’assureurs et assurés doivent anticiper dès à présent.
Auteur
Thomas DROUINEAU